Moi, je pense que le sourire est le base de la joie. C'est si peu, et pourtant beaucoup. C'est communicatif et surtout fort contagieux. Moi quand je reçois un sourire, j'ai envie de le rendre. Du coup, j'essaye d'en donner chaque fois que je peux, peu importe la situation. Dans le cinéma, je crois que c'est généralement dans l'animation japonaise qu'on esquisse le plus de sourires. D'un fantasmagorique Totoro à un regard d'enfant-loup, le sourire provoqué peut tout aussi bien être de mignosité, que d'empathie, et être façade à une certaine mélancolie.
Le début de Gen d'Hiroshima, c'est sûr ça qu'il mise. Il dresse un portrait d'une famille japonaise en 1945 d'une étrange gaîté.
Ayant du mal à se nourrir, elle n'en demeure pas moins joyeuse. Et chaque action semble correspondre à celle d'un dessin-animé familial, à un dessin-animé qui représente l'euphorie d'une tranche de vie. De chaque regard, de chaque action, en ressort un enthousiasme naïf, très enfantin. D'un premier abord déconcertant à cause de dialogues et situations un peu trop puériles, on est presque dans une bulle de béatitude enfantine, ce qui a pour effet qu'on s'attache davantage aux marmots, surtout à Gen.
Mais si cela ressemble à un simple portrait, il s'agit avant tout d'une prise d'otage sentimentale avant de faire subir la pire des horreurs.
Car Glen et sa famille vivent à Hiroshima. Ce 6 août, la réalité enjolivée devient un cauchemar. Juste un cauchemar, sans excès, pour une scène des plus marquantes du cinéma. Le dessin-animé montre ce qui n'est que trop rarement montré, ce qui se doit d'être vu. Chiens, femmes, enfants atomisés pour un film qui s’imprègne d'une réalité qui va le dépasser. Nous dépasser. On se détache vite de notre état joyeux, notre tête se vide de tagada tsouin-tsouin et autre Totoro qui danse, pour phaser face à ce qui est imposé.
De l'état d'enfant à celui d'adulte avec la guerre pour unique et brusque transition, Gen va voir et affronter la mort, et bien plus encore. À l'instar de lui notre regard face au film va grandir, Hiroshima nous prenant à contre-pied, l'effet littérale d'une bombe.
Le sourire s'esquive au profit d'un malaise dû à cette cruelle réalité. Trop bien retranscrite. Trop bien mise en valeur par cette musique. Avec tellement de justesse qu'elle déconcerte. Nous tue.
Le sourire renaîtra bien sûr, car nous suivons Glen, le miraculé qui dicte les sentiments, pour notre optimisme, comme un besoin. Mais cela malheureusement en dépit de la crédibilité. (Pourquoi a-t-il fallu qu'il soit «si peu touché», merde ?!)
Dans le cri d'un enfant, dans la pousse d'un épis ou bien d'autres choses, le sourire réapparaîtra. Cependant la réalité rattrapera toujours le rêve de ce petit bonhomme, ce qui permettra de découler de bien sages paroles et accentuer l'horreur en adaptant son point de vue d'innocent, de jeune innocent, au milieu de cadavres et autres survivants qui ressemblent à des zombies attendant la fin de leur triste requiem.
Mêler la violence à l'enchantement familial fut l'idée de génie, une bien belle façon de faire prendre conscience de ces atrocités avec autant de maîtrise.