Le Général Idi Amin Dada était un dictateur, autoproclamé président à vie, qui prit le contrôle de l'Ouganda par un coup d'état en 1971 et qui a littéralement fait régner la terreur sur son pays jusqu'en 1979. Son comportement ubuesque, sa mégalomanie, voire sa folie, tout ça a fait l'objet d'un documentaire de Barbet Shroeder que je trouve remarquable.


Il a filmé durant plusieurs semaines le dictateur dans l'exercice de ses fonctions, mais la grande force en est qu'il ne sera jamais juge de ses actions ; il le laisse parler, déblatérer ses inepties, pour en faire ressortir un portrait à la fois idyllique pour le général, et qui, aux yeux d'occidentaux, le fait passer pour un fou.
Il se croit ainsi capable de réveiller à distance des crocodiles, de s'inventer des tonnes de décorations militaires qu'il n'a jamais eus, et bien d'autres choses, mais en faisant vivre l'Ouganda dans une terreur où la moindre opposition fut annihilée, et les cadavres baignant le Nil.
On voit des moments tout de même hallucinants, avec l'entrainement de soldats de l'armée de l'air, qui glissent le long d'un toboggan ou qui sautent sur un petit tas de sable pour simuler un saut en parachute, sans compter cette parade aérienne où il n'y a que quelques avions. Ça souligne la grave crise vécue par ce pays, qui n'avait pas d'argent, aspirée par la folie de cet homme qu'on voit plus comme un gros bébé qu'autre chose.
Il y a aussi une scène hallucinante, où on assiste à un conseil des ministres que le général préside, et, soulignant la présence de l'équipe du film, il donne ses directives, et souhaite vérifier qu'il n'y a aucun opposant à son régime parmi ses ministres, en les menaçant de les zigouiller si les recherches qu'il va faire sur eux sont positives. Ce qui sera le cas de l'un d'entre eux, dont le corps sera retrouvé le long du Nil deux jours plus tard...


Le terme d'autoportrait est d'ailleurs très juste, car c'est le général qui donne le la de ce documentaire, où il veut à la fois se montrer sous son meilleur profil, mais on voit bien que ce qu'il dit n'a pas de sens aussi bien politiquement qu'économiquement. Sans compter sa mégalomanie, avec ce moment hallucinant où, faisant une course à la natation chez lui avec des amis, on voit bien que ces derniers le laissent volontairement gagner en ralentissant, pour montrer qu'il les a battus à plate couture. On sait jamais, la vie ne tenant parfois qu'à un fil... On découvre aussi quelques-uns de ses dix-huit (18 !) enfants, dont certains touts petits portent déjà un treillis.


Pas une seule fois Barbet Schroeder ne porte la contradiction à Idi Amin Dada, ne parlant pas une seule fois de ses exactions, revenant sur une enfance qu'il glorifie à souhait, ainsi que sur son passé militaire, voilà un modèle de documentaire. A la fois parce qu'un réalisateur laisse totalement libre son sujet en quelque sorte, se rendant disponible, mais dont il manipule en douce les images, pour en montrer quelqu'un manifestement fou (dont les idées lui viennent à la suite de rêves qu'il faisait), mais aussi très dangereux, qui aura saigné à mort son pays.

Boubakar
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le 12 nov. 2018

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Boubakar

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