Portrait sans concession d’Idi Amin Dada, un général devenu président (ou plutôt, dictateur) de l’Ouganda entre 1971 & 1979. Le réalisateur Barbet Schroeder dresse un autoportrait oscillant entre réalité et fiction tant le dictateur semble jouer de sa personne, de sa stature. Était-ce de l’autodérision ? Il y a de quoi se poser la question tant le personnage détonne et dérange, mais à bien y regarder de plus près, il semblerait qu’il soit constamment au premier degré et c’est en cela qu’il était inquiétant, voire dangereux.
Devenu président grâce à coup d’état, bien qu’il eût promis des élections présidentielles, ces dernières ne verront jamais le jour. Au lieu de cela, Idi Amin Dada assoie sa position et son pouvoir (en faisant notamment exécuter les chefs militaires qui n’ont pas soutenu le coup d’état et en chassant du pays près de 100 mille asiatiques) et s’autoproclame « président à vie ». Par la suite, la terreur s’accroit et le régime totalitaire commence à prendre de l’ampleur, donnant lieu à 8 années de tyrannie (durant son mandat) et responsable du massacre de près de 300 mille ougandais. Il faudra attendre que la Tanzanie déclare la guerre à l’Ouganda pour qu’Idi Amin Dada soit contraint de quitter le pays.
Général Idi Amin Dada : Autoportrait (1974) est un documentaire qui offre l’occasion d’en savoir plus sur cet homme excentrique et imbu de lui-même. L’avantage de ce film, c’est qu’il a été tourné aux côtés du dictateur (il ne s’agit pas d’une succession d’images d’archives avec des témoignages), il répond aux questions posées par le réalisateur et n’est pas avare de mise en scène à sa gloire (notamment lorsqu’il arrive en hélicoptère devant une foule en liesse, alors qu’en réalité, tout cela a été mis en scène par son équipe, afin d’obtenir de belles images devant les caméras).
Barbet Schroeder ne prend jamais parti et ne le juge à aucun moment, cependant, il ne se prive pas pour lui poser des questions dérangeantes, notamment sur les propos qu’il a tenu concernant Hitler (qu’il admirait). Idi Amin Dada aime se mettre en scène et ne se prive pas pour le faire devant sa caméra. Il explique le plus sérieusement du monde son plan d’invasion pour reprendre le Plateau du Golan à l’État d’Israël (il voue une haine envers Israël et ne se prive pas pour nous le rappeler).
Affabulateur, misogyne, illuminé, voir même devin (!), le dictateur passe constamment pour un imbécile (notamment la séquence où il se vante de bien connaître les crocodiles « il ouvre sa bouche pour que les fourmis entrent afin de les manger », alors qu’en réalité, les crocodiles ont la gueule ouverte tout simplement pour se rafraîchir). D’un côté, il passe pour un adulescent (un peu naïf dans sa tête) et de l’autre, il apparaît tyrannique, notamment lors du conseil des ministres où il invective son auditoire et menace (d’ailleurs, quelques jours après, son ministre des affaires étranges qu’il venait de réprimander était retrouvé assassiné). Sans parler des propos phallocrates qu’il débite à qui veut l’entendre. Doté d’un égo surdimensionné, il ne cessera de répéter à l’ensemble de ses ministres « il faut apprendre au peuple à aimer son leader », il ne pouvait pas être plus clair.
Un documentaire très instructif, une immersion passionnante & glaçante dans l’intimité d’un tyran. Dans le même registre, il est intéressant de voir Le Dernier roi d’Écosse (2007) de Kevin Macdonald, avec Forest Whitaker dans le rôle du despote.
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