La genèse de la vie d’adulte, c’est le premier chagrin d’amour, en ce qu’il nous apprend notre inexorable solitude.
Cette genèse, Charlotte et son demi-frère Guillaume vont la vivre simultanément. Deux trajectoires à la fois parallèles et divergentes, qui ne se croiseront que deux fois pendant le film. La fraternité ici ne sert qu’à réunir un personnage féminin et un personnage masculin, l’un hétérosexuel et l’autre homosexuel, qui vivront différents déboires et maltraitances selon leur genre.
On peut distinguer dans Genèse trois tableaux. Le premier dépeint avec une justesse rare, aux airs de documentaire, la complexité et l’intensité des premières expériences amoureuses. Lesage ne justifie pas cette intensité par la jeunesse ou la naïveté de ses personnages qui se révèlent, au contraire, sages et courageux dans leur sincérité. Il rafraichit des clichés usés : l’héroïque déclaration d’amour en public ne renverse pas l’ordre social, la rupture se fait avec amour et tendresse. Quand sa caméra se pose sur les transports ou la solitude (particulièrement bien mise en scène dans les fêtes), elle fait naître des petits moments de grâce.
N’étant pas beaucoup plus âgée que les personnages de Genèse, j’ai reconnu une vérité inédite dans la représentation de ces baptêmes sentimentaux. Cette vérité m’a permis de m’identifier très fortement à l’un comme l’autre des personnages, à leur émouvante errance. Le jeu des acteurs sublime encore cette justesse : si Noée Abita ne déçoit pas, Théodore Pellerin brille.
Mais la justesse ne suffit peut-être pas à porter un film. Or c’est justement quand on commence à se languir un peu de ce premier tableau que le deuxième vient nous prendre par surprise. L’empreinte feutrée de normes sociales malsaines se mue sous une forme plus terrifiante. Et la violence discrète des déceptions amoureuses laisse place à celle, extrême, de dérives machistes. Face à la première comme la seconde, Charlotte et Guillaume doivent faire front seuls.
Quel dommage que ce point d’orgue du film soit abandonné à peine installé. Avorté pour laisser place à un troisième tableau, à mes yeux totalement incompréhensible. Qui vient re-souligner certains des propos du film en introduisant deux nouveaux personnages, plus jeunes encore, pour incarner la genèse de la genèse, les tout premiers sentiments. Plus qu’une longueur, ce dernier quart d’heure est comme une excroissance. Un court métrage juxtaposé au long, un rideau qui se re-lève et distrait de ce qui vient de se jouer, le privant de son dénouement.