Malheureux les spectateurs de Genius que les affres de la création littéraire laissent froid. De même que la façon dont un manuscrit devient un livre bon à publier après un long travail d'édition. Oui, malheureux parce que le film de Michael Grandage ne parle que de cela, à travers la relation entre l'écrivain Thomas Wolfe et l'éditeur Maxwell Perkins. Une collaboration qui devient amitié voire davantage tellement ces deux hommes ont négligé tout le reste, maîtresse d'un côté, famille et enfants de l'autre, pour accoucher de deux livres. L'histoire d'amour entre ces deux hommes est sous-jacente, leurs scènes de ménage en ont l'authenticité avec des romans en guise de progéniture. Il faut aimer sans doute énormément la littérature pour se passionner pour les dialogues incessants entre Wolfe et Perkins. D'autant que le premier est joué par un Jude Law cabotin qui fait ressortir avec outrance l'exubérance et l'égocentrisme de son personnage. Cependant, le "couple" qu'il forme avec un Colin Firth, extraordinaire de retenue, force l'admiration. La fièvre contre le marbre, ou quelque chose d'approchant. Hemingway et surtout Fitzgerald, davantage passés à la postérité que Wolfe, apparaissent en seconds rôles et apportent un peu d'oxygène à une relation qui n'est pas loin de devenir étouffante. Genius a un parti pris austère et s'y tient jusqu'au bout. Cela augure d'un échec commercial prévisible mais il y a dans ce film une exigence et une volonté de raconter une histoire par le biais des mots qui le rendent infiniment précieux et touchant. Et tant pis s'il est réservé quelques happy few.