Terrassant, cruel, choquant, hallucinatoire, Ghostland l'est, à l'évidence.
Mais j'attendais beaucoup moins le dernier effort de Pascal Laugier sur le terrain de l'émotion, celle qui reste en mémoire bien après avoir rangé le blu ray dans son étui.
Ghostland scotche quasi immédiatement, en confrontant ses personnages à l'indicible, à peine évoqué en amont par la lecture de l'entrefilet des faits divers d'un quelconque journal. Tout cela avant l'invasion. Avant l'irruption du cauchemar dans la réalité.
Celle-ci prend des allures bizarres, tout comme elle prend pour décor cette vieille bâtisse, aux allures de capharnaüm, qui semble être habitée par un brocanteur un peu original, pour ne pas dire toqué et obsessionnel. Dans une atmosphère délétère, où les regards terriblement anxiogènes des poupées répondent à leurs sourires en forme de rictus malaisants.
Le calvaire et le martyr des deux soeurs n'en sera que plus insoutenable. Aux mains d'une montagne apparemment attardée et d'un travesti dérangeant, la cruelle odyssée au bout de la souffrance empruntera plusieurs bifurcations, prendra plusieurs significations en fonction de la porte d'entée sur le film qu'aura décidé d'ouvrir le spectateur selon sa sensibilité... Tout comme il pourra recombiner la chronologie de Ghostland selon son interprétation.
Car si la frontière entre le réel et le fantasme est abolie, le film oscillera entre
le résumé d'un bouquin, ayant pour base dramatique un moment vécu des plus traumatisants, ce que l'héroïne pourrait un jour devenir, ou encore une fuite vers un refuge mental aux accents d'un Sucker Punch plus terre à terre pour se protéger de l'horreur de la captivité et de ses sévices.
Le brusque revirement de Ghostland est une des marottes récurrentes de Laugier : il faisait changer de point de vue dans l'appréciation de son tall man dans The Secret, ou éclairait d'un jour nouveau les motifs de la captivité mise en scène dans Martyrs. Sauf que dans son dernier opus, le réalisateur français l'utilise de la façon la plus pure afin d'accéder à autre chose, de plus émouvant et mémorable. Et Ghostland de devenir son film le plus équilibré, le plus charnel, le plus attachant et sincère.
La construction diabolique et millimétrée du film n'y est pas pour rien, car elle conduit le spectateur à s'abandonner et l'invite à se perdre dans l'oeuvre avec délice. Tout comme cette héroïne qui voudrait devenir le nouveau Lovecraft, dont l'itinéraire moral et mental sert de fil rouge. Et il y a enfin, peut être par dessus tout, cette relation entre mère et filles qui transcende tant la réalité que la fiction, en forme de boussole, et incarnée à la perfection par des interprètes habitées et plus que convaincantes.
Ce sont dans ces deux derniers aspects que se lovent toute l'âme et le coeur de Ghostland, en forme de réussite allant bien au delà de son genre horrifique, surpassant sa violence physique et psychologique insondable. Au point de le voir deux fois : pour se laisser tout d'abord emporter par son aspect viscéral et les émotions brutes qu'il suscite, pour ensuite tenter d'en percer la nature intime propre à celui qui le regardera.
Behind_the_Mask, qui cède à ses pulsions de jouer à la poupée.