Dario nouveau roi de la comédie!
Après le succès de l'Oiseau au plumage de cristal, Dario Argento s'est retrouvé prisonnier du genre du giallo. Après l'avoir déconstruit à plusieurs reprises : Suspiria, Ténèbres, Phenomena, Opéra, Le syndrome de Stendhal, ... quoi de mieux que de l'achever par le rire. On donne comme titre Giallo pour attirer les aficionados et ainsi profiter de leur crédulité pour réinventer le thriller parodique.
Je me permets maintenant une petite digression à propos d'un grand malentendu entre le film et ses principales victimes : les spectateurs. Le scénario est beaucoup moins léger que beaucoup l'ont affirmé. Il y est même abordé beaucoup de problèmes de société majeures :
- la misère des top modèles qui, malgré leur bel appartement, doivent quand même se faire reconduire en taxi!
- le problème que constitue les néandertaliens atteints d'hépatite C et qui portent un bandana rouge (moralité du film : il faudrait s'en débarrasser dès qu'ils sont enfants).
- l'auto-justice (moralité du film : c'est cool et on s'en sort en toute impunité même lorsqu'on est un ado fluet de 14 ans qui affronte un boucher baraqué!)
- la manie de poster des affiches de films chez les archivistes turinois...
On peut également y voir le signe d'une profonde frustration chez les différents personnages : Brody (surtout) et Seigner passent leur temps à fumer et le tueur utilise toujours sa tétine. Avec mes faibles connaissances en psychanalyse de gare, je peux en déduire qu'ils désirent inconsciemment participer à une fellation.
Ou alors il faut appréhender ces 90 minutes comme une histoire d'apprentissage. Au contact de sa victime mannequin, le tueur découvre que ce n'est pas en hurlant 50 fois "Ta gueule", en lui montrant régulièrement ses instruments de torture ou en lui coupant une phalange qu'elle va arrêter de nous (à la fois lui et nous autres spectateurs) saouler grave avec ses braillements et ses gémissements. Malheureusement la scène a été coupée au montage mais il finira enfin par comprendre qu'il doit la bâillonner pour avoir la paix.
A partir d'un scénario aussi profond donc, Argento déconstruit son genre avec brio grâce aux scènes clichés du genre "Vous êtes sûr que c'est par là le chemin de l'hôtel?", le montage alterné entre le tueur dans sa planque et l'inspecteur qui fouille un autre endroit en pensant qu'il l'a trouvé, "vous voulez boire un dernier verre?" après un dîner confidences, ... sur lesquels il s'appesantit plus que de raison.
Il s'intéresse aussi à ces scènes d'apparence dérisoires mais sans doute lourdes d'importance et de significations comme Adrian Brody qui sort de son commissariat, descend l'escalier, va jusqu'à sa voiture, ouvre la portière, s'installe à sa place, mets sa ceinture, referme sa portière, allume le contact, et quitte sa place de parking (dans un plan séquence spectaculaire). Si vous n'avez pas compris la pertinence de cette scène, vous êtes aussi idiot que moi.
On peut aussi parler du casting : Adrian Brody en fait trop (il a l'air parfois plus malheureux que dans le Pianiste) et Emmanuelle Seigner pas assez (si son rôle avait été muet on n'aurait jamais su qu'elle avait une soeur en danger de mort et non un sac à main perdu) : le duo est donc bien équilibré.
Sinon on peut noter une volonté de ne pas présenter la fin comme un happy end, mais le côté queue de poisson permet un ultime dérapage.