Do re mi fa sol, toutes les femmes sont folles...

Giorgino, film de Laurent Boutonnat, le bras droit de Mylène Farmer, est sortie en 1994, mais parait avoir été produit une bonne vingtaine d’années avant, c’est en tout cas l’effet qu’il me fait.


J’avoue que je suis un peu ennuyé pour rédiger cette critique, et trouver la note qui convient, car j’ai observé ce film plusieurs fois, et je le trouve très bon sur certains points, mais très mauvais sur d’autres.


Pour ce qui est des défauts, je trouve le format de 2h57, absolument trop long pour ce que l’histoire a à nous raconter. J’ai l’impression que le film a été rempli avec des effets de styles, des plans contemplatifs, en laissant un peu en retrait l’intrigue, qui avance avec une lenteur exaspérante. Aussi on ne compte plus les fois où l’on entend des lamentations, et la fausse toux du personnage principal. C'est franchement casse-pied.


Autres défauts de tailles, certains passages de l’histoire m’ont fait grincer des dents. Si Giorgio n’est clairement pas décrit comme un prédateur sexuel, il s’inscrit tout de même dans un état d’esprit franchement ambigu. Il souhaite épouser une jeune fille (il s’agit apparemment d’une enfant), autiste, qu’il trouve à son gout. On ne comprend d’ailleurs pas trop les raisons qui le poussent à cette décision, si ce n’est l’envie de la protéger. Par ailleurs, lorsque Catherine est sur le point de mourir, Giorgio tente de la ranimer en lui faisant l’amour, comme pour lui créer un électro-choc. À ce moment, l'homme semble oublier qu’il est médecin, et qu’un massage cardiaque (comme il l’a pratiqué en début de film sur la mère de Catherine) aurait été une action un peu plus appropriée. Rien qu’en écrivant ces mots, je constate à quel point la séquence est absurde et gênante. Lui, il pénètre une jeune femme à moitié morte, et, nous, on est censé trouver ça normal. Non, mais je vous jure, c’est du grand n’importe quoi. Pour moi, Boutonnat a un peu pété les plombs avec cette scène. C’est certainement l’aspect du film que j’aime le moins, et que je ne comprends pas.


D’autres éléments sont à cheval entre le défaut et la qualité, c’est le cas de l’ambiance, qui s’avère tout à fait remarquable. Ce décor rural de village solitaire du début du XXe siècle, et cette photographie sombre, froide et hostile, donnent toute sa saveur au film. Mais elle s’avère au fil des minutes, franchement déstabilisante, jusqu’à carrément nous mettre mal à l’aise. C’est bien simple, le film devient rapidement une plongée en plein cauchemar sinistre, et il n’y a aucune bouffée d’oxygène à laquelle s’accrocher. En d’autres mots, c’est beaucoup trop dark, mais pas le bon dark qu’on apprécie, là il s’agit davantage de dark monotone, du dark pénible.


Pour ce qui est des qualités. J’aime beaucoup le cadre spatial et temporel, et l’intrigue, qui s’inscrit dans une belle originalité. Cette histoire de loup qui a dévoré des enfants, joue sur le folklore qui accompagne l’enfance. L’histoire repose vraiment sur une bonne idée, et le scénario est bien ficelé. Ces personnages un peu fous, souvent désespérés, créent une situation pesante, dont chaque échange est imprégné d’une absurdité inquiétante. Dommage que tout cela soit gâché par une monotonie due à ce format exagérément étiré.


J’ai beaucoup d’amour pour Mylène Farmer, mais je ne l’ai pas toujours trouvé très crédible à l'écran. Surtout dans les scènes où elle chouine. Je n’ai pas bien compris son personnage qui passe d’une enfant autiste à une adulte fière et combattive. Peut-être que sa définition manque de précision et de continuité. Par ailleurs, je ne comprends pas l'obsession de Boutonnat à filmer le cul et la chatte de Farmer. C'est vraiment gavant à la longue (il avait déja fait les mêmes plans dans ses clips). Jeff Dahlgren n’est pas exceptionnel non plus. Je trouve qu’il manque de charisme. D’ailleurs il se fait bouffer par l’aura de Mylène, qui est juste sublime, il faut bien l’admettre. Dahlgren n’est pas ridicule non plus. Il fait le travail, mais sans réelle plus-value. L’efficacité du casting se révèle avec tous les autres rôles, qui donnent toute la matière et le professionnalisme qu’on attend d’une telle production.


J’en reviens à cela, mais le film aurait pu être amputé d’une bonne heure (le film aurait alors duré deux heures et c'est amplement suffisant pour y faire entrer tous les éléments de l'intrigue et présenté toutes les nuances des deux personnages principaux). Il y a trop de scènes qui ne servent à rien. Je ne comprends pas ce gâchis. Giorgino a connu un échec cuisant au box-office, est cela reste tout de même une grosse injustice pour la carrière de Boutonnat. Bien sûr, Giorgino est loin d’être parfait, mais il s’inscrit tout de même parmi ses pairs, comme une très bonne production, qui se distingue largement de la masse. La sentence est vraiment dure. Boutonnat réalise ce film avec beaucoup de talent. L’œuvre souffre des défauts d’un premier long métrage. Il est évident que le réalisateur aurait souhaité tout conserver à l’écran par amour pour sa matière première, c'était une erreur, car c’est surtout cela qui fait défaut à ce Giogino.


Casse-Bonbon
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le 13 déc. 2022

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