Si on ne devait retenir qu’une chose de « Girl », ce serait sans conteste l’incroyable prestation de Victor Polster en ado transgenre. Une incarnation extrême et comme on en voit que très rarement sur grand écran, d’un personnage hors-normes. Dans le même genre et du même acabit, on peut se souvenir de celle tout aussi mémorable d’Hilary Swank dans « Boys don’t cry ». Du haut de ses seize ans, le jeune comédien débutant est parvenu à restituer toutes les fêlures de cet adolescent né garçon mais se rêvant en fille. Une performance impressionnante aussi physique (gestuelle, voix, ...) que morale. Mais le jeune homme n’est pas le seul dont la prestation attire le regard. Le personnage du père joué par Arieh Worthalter, pour une performance moins visible de prime abord mais tout aussi méritoire, est impeccable de compassion, de tolérance et d’empathie envers son enfant. Il réserve au film ses meilleurs moments lorsque père et fils/fille sont réunis. Lukas Dhont a fait le choix rare et intéressant de normaliser Lara face au regard des autres à tel point que son changement de sexe et sa nature sont acceptés et tolérés de tous. Par le biais de ce prisme, il se focalise donc uniquement sur les étapes de sa transformation et le cheminement moral qui va avec mais aussi sur ses tourments adolescents et ses velléités de ballerine évitant ainsi les sempiternelles brimades et humiliations inhérentes à ce type de sujet. C’est un choix à saluer.
« Girl » est un premier film, d’ailleurs récipiendaire de la Caméra d’or à Cannes cette année. C’est d’ailleurs amplement mérité tant le film est maîtrisé et que le jeune cinéaste semble l’égal flamand d’un Xavier Dolan au même âge pour sa maturité artistique. Mais l’emballement général (aussi bien critique que public) semble parfois exagéré ou dépasser la réelle qualité de l’œuvre. Une œuvre loin d’être parfaite qui apparaît donc surestimée pour les mauvaises raisons. En effet, les scènes sont très répétitives et deviennent lassantes. On alterne séquences de danse, séquences chez le médecin et séquences familiales sans que le contenu se renouvelle assez. Du coup on s’ennuie parfois et le temps peut sembler long au point de regarder sa montre. On a le sentiment que le long-métrage ne décolle jamais. Et en ajoutant les problèmes adolescents et la dureté de la danse classique, on peut trouver le portrait un peu trop chargé à l’image de la jeune adolescente obèse, noire, battue et violée dans « Precious », dans un autre genre certes. Et si la caméra de Dhont ne quitte jamais Lara d’une semelle on ne saisit pas toujours la psychologie du personnage, ce qui se passe dans sa tête et bloque ainsi l’empathie nécessaire. Par ricochet, « Girl » est assez sec et avare en émotion(s). Néanmoins, il réussit l’exploit de ne jamais mettre mal à l’aise et contient toute la pudeur nécessaire à ce sujet délicat. Une œuvre à découvrir, nécessaire et courageuse, mais pas passionnante non plus et qui s’avère moins touchante que prévu.