Attention, ça va divulgâcher, mais franchement, on s'en tape.
Il faut toujours accorder une d... tro... euh, quatrième chance au génie qui a accouché de Blade Runner. Allons, on a un grand réalisateur, qui va réaliser une suite à un des plus grands films de sa carrière, couronné par cinq oscars en 2000 (!), plus de 450 millions de dollars au box-office... qu'est-ce qui peut mal se passer ?
Eh bien a peu près tout, sachant que ledit génie a accouché entretemps d'un colossal étron filmique nommé Napoléon, que les derniers Alien sentent à peine meilleur, qu'il a foutu en l'air une bonne partie de son capital sympathie, et surtout, que Gladiator n'est PAS un film qui appelait à une suite, nom de dieu de bordel de merde.
Ca commence avec Paul Mescal, sympathique fermier dans les faubourgs d'une cité de Numidie, qui scrute des poules avec un air absent, et oh voilà ma femme, j'embrasse donc ma femme que j'aime parce que c'est ma f.. TOUINTOUINTOUIIIIIIN !
Voici la flotte et l'armée romaine, qui attaquent la ville. Hein ? Attends, on parle bien de la Numidie ? C'est la Tunisie actuelle. Et on est vers 215 de notre ère, donc la région est une province romaine depuis approximativement 150 ans, et il ne va absolument rien s'y passer jusqu'à la fin de l'empire. Bon, donc l'armée romaine attaque une cité romaine parce que pourquoi pas, scène de bataille, cling-clang-yaaaarh, oh tiens ma femme se prend une flèche et meurt, ils perdent la bataille et Paul Mescal est réduit en esclavage, puis en gladiature.
Bon. Accélérons. Paul Mescal, Hanno, est donc un gladiateur de talent qui pète des bouches comme Gérard Depardieu descend des bouteilles de Bordeaux, il est débarqué à Ostie et entrainé par Denzel Washington, le futur consul Macrinus, et utilisé comme divertissement pour les jeux organisés par les "empereurs jumeaux" Caracalla et Geta, joué par les deux plus insupportables têtes à claques que Scott a apparemment pu trouver à Hollywood.
Comme ce sont les empereurs, ce sont les méchants, et on nous rabâche tout du long que le "rêve de Marc-Auréle" est mort, et oui, on parle bien de cette fixette complètement conne qu'avait ce dernier au début du premier film : restaurer la république; nonobstant le fait qu'à cette époque-là, la république romaine, tout le monde s'en branle en réalité et que le peu de personnes qui s'en rappellent ne s'en souviennent que comme un monument d'inefficacité politique qui a mené Rome à un siècle de guerres civiles sanglantes. Mais bref, cette vision purement américaine de la démocratie étant ce qu'elle est, l'objectif est donc de restaurer la république, donc c'est Pedro Pascal, le Maximus-acheté-chez-Action, qui va tenter de faire un coup d'état en faisant appel à ses légions stationnées à Ostie.
Ca se bagarre dans tous les coins, le complot est éventé, Pedro Pascal meurt percé de flèches dans l'arène, et Lucilla fait on ne sait pas trop comment le lien entre Hanno, le gladiateur-star du moment, et Lucius Verrus, son propre fils, qu'elle a expédié ailleurs voir si elle y était à la fin de Gladiator 1. Par la magie du scénarium, il se trouve donc que oui, effectivement c'est tout à fait la même personne : Paul Mescal est en réalité Lucius Verrus, le gamin dans Gladiator 1, et puisqu'on en est rendu à ce point pour déféquer sur le premier film, il est annoncé qu'en fait, c'est le fils de Maximus.
Oui oui.
Alors, c'est vrai qu'au début de Gladiator 1, Lucius est déjà âgé de huit ans et qu'absolument rien ne suggère qu'il est le fils de Maximus, d'autant plus que ce dernier passe son temps à la guerre et qu'il a déjà une famille qu'il aime profondément, même si elle finit rapidement crucifiée, mais voilà, ta gueule, c'est magique. OK.
Il y a des émeutes, les deux frangins empereurs deviennent de plus en plus tarés pendant que Denzel Washington manipule tout le monde en coulisse, on multiplie les références au premier film (oh tiens, la même arène de départ que dans le premier film, oh tiens, "ce que l'on fait dans sa vie résonne dans l'éternité", oh tiens, mate ça mec, Maximus est enterré ici et on a même gardé son glaive et son plastron, CLIN D'OEIL CLIN D'OEIL).
Ca se finit avec une débauche de violence sanglante complètement débile avec Paul Mescal qui déclenche une énorme mutinerie dans les coulisses du Colisée avant le début du spectacle final, et qui y va quand même (???), puis qui poursuit Macrinus à cheval car ce dernier mène les Prétoriens à la rencontre de l'armée loyaliste de feu Pedro Pascal (Acacius), qui s'est laissée convaincre de marcher sur Rome parce qu'un clodo en robe a forcé les portes du camp pour balancer une bague au général (ah), ils se battent en duel, évidemment il gagne, puis il fait un discours fédérateur qui voudrait être tire-larmes, mais qui finit juste par être malaisant au possible. Rideau.
Avec presque TROIS FOIS plus de budget, Gladiator II finit par n'être qu'une pâle copie de son ainé. La succession d'incohérences scénaristiques (j'ai parlé des singes zombies que Paul Mescal doit affronter au début de sa carrière ?) est péniblement contrebalancée par une débauche d'effets spéciaux et de combats plutôt correctement orchestrés, et par des acteurs plus ou moins inspirés mais qui ne font que vivre dans l'ombre des évènements du premier film, jusqu'à en répéter les mêmes plans, les mêmes phrases, le même message, mais avec une mise en scène beaucoup moins inspirée et même franchement brouillonne, et une OST qui ne tient pas une seule seconde la comparaison avec le chef-d'oeuvre que signaient Lisa Gerrard et Hans Zimmer en 2000.
Un mot tout de même sur la question de la crédibilité historique (oui, JE SAIS, ça n'est pas un documentaire, mais il y en a quand même qui sont plus tatillons sur le sujet ); un point sur lequel le premier Gladiator n'était déjà pas exempt de certaines erreurs, et le deuxième fait pareil, avec son espèce de débarquement de Normandie en pleine Afrique du nord, des requins au Colisée, des singes mutants, des rhinocéros-tanks, des catapultes lance-missiles et des assassinats de palais qui s'enchainent en l'espace d'une demi-journée, contre plus de vingt ans dans la réalité; des cavaliers dotés d'étriers, des rues nocturnes inexplicablement illuminées comme en plein jour (faut dire que les chandelles romaines étaient vachement puissantes).
Bref, pour Ridley Scott, à 86 ans, il est temps de raccrocher les wagons, ou de se mettre à filmer des mariages.
Revoyez plutot Gladiator. C'est un film fantastiquement bien réalisé, joué par des acteurs magistraux, mis en scène à la perfection et doté d'une bande-son culte. Et qui n'a pas de suite.