Langage des dignes
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Pour une fois, le film de Guédiguian, "Gloria Mundi" commence par une note d'espoir : la naissance d'une fille, prénommée Gloria. Je me suis dit : "tiens, peut-être que le film sera moins misérabiliste et un peu plus optimiste que d'habitude"
Que nenni !
Rapidement on plonge dans une spirale infernale qui part de Sylvie, agent d'entretien qui refuse de faire grève, à son mari Richard, chauffeur de bus qui se prend une mise à pied, puis de sa fille, Mathilda, en emploi précaire et son mari chauffeur Uber qui se fait tabasser et se retrouve au chômage avec les traites de la voiture qui courent toujours sans oublier Daniel, premier mari de Sylvie, à peine sorti d'une longue peine de prison.
En bref, des esclaves qui ont eu lutté pour un monde meilleur et qui ont aujourd'hui baissé les bras.
Face à cela, la deuxième fille de Sylvie et son mari s'en sont sortis en devenant patrons d'un magasin d'achat/vente (achat de matériels ou d'objets à un prix dérisoire pour maximiser la marge lors de la vente, comme on peut s'en douter) et d'une entreprise de réparation de matériel électrique avec des employés au black (c'est la norme du patronat aujourd'hui, sûrement). En d'autres termes plus explicites, les anciens "esclaves" sont devenus des entrepreneurs, des "premiers de cordée" (suivez mon regard) qui utilisent ou ont comme clientèle des esclaves et que d'ailleurs ils traitent comme des chiens avec tout le mépris qu'on peut imaginer. Et pour corser la note, les deux "patrons" passent leurs loisirs à sniffer de la cocaïne (ils ont les moyens, pardi !..) et à faire des vidéos coquines sur internet (la réussite sociale ne peut conduire qu'à la perversité, c'est bien connu).
Je passerai sur les scènes de coucheries et de cocufiage en série que je préfère ne considérer qu'anecdotiques (plutôt que vomitives) pour conclure sur le beau geste de Daniel qui se dévoue pour aider cette famille. Essaie-t-il de se racheter vis-à-vis de la famille ou, tout simplement, il n'a plus rien à perdre ?
On note une évolution dans le discours du cinéaste : dans les films des années 90, le mot d'ordre était de lutter pour un monde meilleur et la grève était une fin en soi (le patron était là pour casquer). Là, ce n'est plus la peine de lutter, ça ne sert à rien. Quand Darroussin ou Ascaride essaie de faire jouer la carte de la solidarité, ils ne reçoivent que des fins de non-recevoir. Et c'est peut-être ça le message principal du film, c'est l'individualisme et l'égoïsme grandissants de la société aujourd'hui. Mais fallait-il descendre si bas dans l'abjection de certains personnages ?
Comme dans tous les films de Guédiguian, on retrouve son trio fétiche Ascaride, Meylan et Darroussin. D'ailleurs au-delà des aspects scénaristiques évoqués ci-dessus, le film est bien joué et bien réalisé, rattrapant ainsi mes commentaires désabusés.
Créée
le 15 nov. 2020
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