Il ne faut pas beaucoup à Ferrara pour investir son club de Strip Tease. Avec trois fois rien, des corps, des culs, des seins, de l'éclairage, de l'alcool, de la musique il fait un film-monde, totalement habité, vivant, un univers qui se matérialise et se déploie avec une simplicité et une grâce étonnante. Il s'est délesté de toute lourdeur narrative, toute ligne scénaristique, préservant uniquement une idée de film : le club en faillite doit fermer ses portes, pour n'en conserver que l'essence et la chair. On ne voit que ça, la chair. Celle des actrices se dénudant devant la caméra et le public, dévoilant beautés et imperfections, celle des acteurs déformée par la fatigue, la rage, les doutes, et puis celle du club en lui-même, ce club qui vibre, vie, évolue selon les néons et la musique. Il s'emplit, se vide, se fige, s'active, un personnage à part entière, qui a une odeur, une forme,... Ce lieu on en sort quasiment jamais, et lorsque les acteurs en sortent, on ne voit pas le ciel ni le monde extérieur, juste le devant de porte, et le lieu est toujours au centre des discussions. C'est une bulle coupée du monde, monde avec lequel le seul lien, et pas des moindres, encore présent serait l'argent, acteur principal de la fluctuation du lieu et de son avenir. Ferrara, tout comme Dafoe, veut construire une famille et l'étendre. C'est presque autant un film de ralliement, qu'un geste de contrebandier (encore un après celui de RAZ). Un cirque underground revisitant le cinéma de Ferrara avec autant de nostalgie joyeuse que de regard lumineux vers l'avant. De part son côté libre, baisé, il y a un côté Cassavetien, renforcé par le superbe jeu des acteurs. C'est un superbe film, plein, habité, sexy, charnel, pathétique et très drôle.