Alors que l’humanité est désarmée face aux monstres, des scientifiques utilisent les restes du premier Godzilla pour construire MechaGodzilla.
Les monstres et la représentation de nos problématiques
Bien souvent, les monstres sont les incarnations de forces de la Nature ou de différents éléments comme l’eau, la terre, et le ciel. Par cette conception animiste, ils évoquent les croyances de la mythologie japonaise qui attribuent certaines puissances naturelles à des créatures surréalistes ou parfaitement réelles. Par exemple, au XVIIIe siècle la croyance populaire désignait le « namazu », un poisson-chat géant, comme la cause des séismes. Ce n’est donc pas un hasard si le cinéma Japonais permet à ses créations fictives de détenir la capacité de reproduire les catastrophes naturelles. C’est notamment le cas de Rodan qui peut provoquer des ouragans avec ses ailes.
De tradition à représentation symbolique, il n’y a qu’un pas. MechaGodzilla est amalgamé en une hantise née de la peur des forces bellicistes. Il n’est pas seulement l’égal de Godzilla sur le champ de bataille, symboliquement il est ce que le « Roi des Monstres » souhaitait dénoncer dans le classique de 1954. Sans se laisser aller à de grands délires d’interprétations, ce double machiavélique et robotique est l’image d’un monde inquiétant. Une sorte de miroir grossissant le manque de moralité de la science et de l’utilisation que l’Homme peut en faire.
Ainsi le fondement même du Kaiju Eiga demeure cette vision du monde où un lien étroit se pérennise entre l’Homme et la Nature. Ici toujours autant représentée par la colère de Godzilla, provoquée qu’elle est par l’offense de l’Homme. Tous les films de la saga évoquent explicitement une causalité entre l’attitude fautive de l’être humain et les attaques des monstres comme une punition presque divine. En ça et comme souvent, l’Homme ne corrige pas ses erreurs et provoque alors davantage de ravages.
La peur du sacré
L’orgueil de l’Homme le pousse à vouloir surpasser la Nature, car elle est bien la seule à pouvoir mettre en doute sa grande autorité. Mechagodzilla est le moyen d’y parvenir. Dans le cas du présent métrage, nous créons un être robotique dans le but de défier la Nature. Le blasphème étant ici total en se servant des restes du premier Godzilla pour plagier la création parfaite de Mère Nature. Il s’agit même d’un tabou important puisque pour les Japonais la mort est un élément cyclique de la création. Quand un homme meurt son âme survit pour évoluer. En prenant les os de Godzilla pour la conception de son double robotique, l’Homme malmène encore la Nature peut-être comme jamais encore en privant le monstre ancestral de son passage vers la paix éternelle.
La Nature trouve toujours son équilibre, et même cet affront amène une sentence divine. Le film le montre très bien avec le comportement de MechaGodzilla qui échappe régulièrement au contrôle des pilotes. Le robot se dérègle par des visions mentales qui mêlent autant le nucléaire que les ravages causés par le premier Godzilla. Comme si l’âme de Godzilla, bloquée par le sacrilège sur sa dépouille, agissait en fantôme pour se venger.
C’est une nouvelle manière de prouver que l’objectif de la saga Godzilla est de s’émanciper du divertissement vide de sens. Elle consiste à démontrer, évidemment de façon métaphorique, les courants idéologiques qui ont marqué la conscience populaire japonaise. Et même si la grille de lecture principale demeure Godzilla en représentation accusatrice du fléau atomique, cette saga sait favoriser des parallèles avec d’autres thèmes divers et variés. La fonction symbolique des monstres est d’incarner des convictions, des conflits, ou des euphories générées par les citoyens du monde.
Conclusion
Si encore aujourd’hui le Kaiju Eiga est la cible de nombreuses critiques qui le désignent comme une machine à nanars, force est de constater que plusieurs productions de La Toho démentent cet argument. A l’instar du Godzilla de 1954 qui devenait la vision d’horreur de la guerre atomique, ce Godzilla vs MechaGodzilla apporte un enrichissement indéniable avec sa thématique sur la foi aveugle de l’Homme envers ses armes et son désir de contrôler la Nature pour mieux l’exploiter.
The battle of the century !