La sortie de Pacific Rim de Guillermo Del Toro, fait partie de ces rares moment qui auront permis de mettre en le lumière le Kaiju Eiga (film de monstres géants) initié en 1954 avec Godzilla d'Ishirô Honda. Cette œuvre séminale a non seulement défini un genre nouveau, elle en a également livré la version ultime avec ce classique instantané où le monstre n'est autre qu'une métaphore du traumatisme de la bombe atomique. Par la suite, Godzilla a connu différents visages et s'est confronté à de nombreux ennemis, le propulsant au rang d'icône mondiale de la pop culture. Mais force est de constater que la puissance qu'il dégageait dans le premier film — empreint de noirceur et de gravité — est totalement absente du reste de la saga. L'expansion du bestiaire ressemblait de plus en plus à une farce alors que, dans le film de Honda, l'arrivée de Godzilla avait tout d'un événement cataclysmique.


Réalisateur de la trilogie Gamera des années 90, Shusuke Kaneko peut se vanter d'avoir totalement redéfini la mythologie de la tortue géante. Son arrivée à la tête de Godzilla, Mothra and King Ghidorah - Giant Monsters All-Out Attack (GMK pour les intimes) laissait présager le meilleur. Et c'est justement le meilleur qu'il nous a offert ! À l'instar des autres épisodes de l'ère Millennium (réalisés entre 1999 et 2004), ce film est totalement indépendant du reste de la saga à l'exception du premier film d'Ishiro Honda. Une postulat qui permet au cinéaste/scénariste d'instaurer une nouvelle mythologie axée sur le mysticisme et le folklore japonais.
Les monstres géants Ghidorah, Mothra et Baragon deviennent ici des monstres gardiens ancestraux, issus des légendes nippones, tandis que Godzilla symbolise à nouveau la face sombre du pays, sa rage et ses craintes. Son nouveau design le rend d'ailleurs plus effrayant et bestial que jamais. On pense à la fois au costume du premier film et à la version plus rageuse de l'ère Heisei, doté cependant d'un visage bien plus animé qu'auparavant et d'yeux dépourvus de pupille. Nous avons en quelque sorte affaire au spectre du Godzilla original, sans doute l'une des plus belles incarnations de ce monstre sacré du cinéma. Cette nouvelle aura est en partie due à la mise en scène de Shusuke Kaneko qui confirme une fois de plus qu'il a tout compris au Kaiju Eiga. Le réalisateur filme le plus possible les monstres en contre-plongée, adoptant ainsi un point de vue humain, et n'utilise la plongée que lorsque celle-ci est justifiée par l'histoire (quand une scène adopte le point de vue d'un hélicoptère, par exemple). Ce tour de force visuel, développé sur Gamera, est en grande partie l’œuvre du créateur d'effets spéciaux Shinji Higuchi, et on ne sera pas étonné d'apprendre que ce dernier a travaillé officieusement sur ce GMK, pour son pote Kaneko.
Les personnages humains, eux non plus, ne sont pas lésés et c'est une chance, car la faiblesse des Godzilla (mis à part le premier) résidait principalement dans le traitement "par dessus la jambe" de ses personnages humains, fonctionnels et sans âme. L'ère Millennium a tenté de rectifier le tir (en prenant exemple sur les Gamera de Shusuke Kaneko, justement) mais c'est bel et bien avec ce film que la caractérisation fait un bon en avant. On retrouve plus ou moins les mêmes archétypes que dans la trilogie de la tortue géante, mais on éprouve une réelle empathie pour eux.


Véritable perle du cinéma fantastique japonais, Giant Monsters All-Out Attack réussit le pari d'être à la fois le film de la saga Godzilla le plus fidèle à l'opus original et le plus novateur. Shusuke Kaneko a puisé dans une filmographie de près d'un demi-siècle les éléments qui l'intéressait et les a transcendés. Il n'hésite d'ailleurs pas à faire référence au remake américain de Roland Emmerich, que ce soit en lui lançant une pique (bien plus subtile que dans Godzilla: Final Wars) ou en copiant l'une de ses scènes pour en livrer une version améliorée (l'arrivée de Godzilla face aux pêcheurs). Si vous ne deviez voir qu'un seul épisode de cette longue saga, jetez-vous sur Godzilla d'Ishirô Honda. Mais parmi tout l'éventail de suites possibles, ce GMK est indéniablement l'une des plus passionnantes.

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le 18 juil. 2013

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