Après un hiatus de six ans, James Bond reprend enfin du service ! Une période troublée qui aura malheureusement eu raison de la motivation de Timothy Dalton, qui range le costume après deux missions seulement. C’est donc Pierce Brosnan (le James Bond de mon enfance) qui hérite du rôle dans GoldenEye.
Quelques années « seulement » ont passé, mais beaucoup de choses ont changé. Depuis le début, la Guerre Froide constituait toujours, ou au moins régulièrement, le fond et le cadre de l’intrigue des films James Bond. C’est ce qui a créé le personnage, et son destin était étroitement lié avec l’évolution de ce conflit. Mais nous sommes en 1995, le mur de Berlin a été détruit et l’URSS a éclaté, signifiant par la même occasion la fin de la Guerre Froide. Il va donc falloir habituer le public à ce nouveau visage, s’inscrire dans cette nouvelle époque et parvenir à faire en sorte que James Bond franchisse le cap.
Une nouvelle fois, qui dit nouveau visage, dit nouvelle version de James Bond. Malgré la réussite critique et financière de Timothy Dalton en James Bond, dans une version plus sérieuse et à fleur de peau, Pierce Brosnan ne suit pas exactement le même modèle. Si on peut retrouver des similitudes avec Roger Moore dans le flegme détaché qui se dégage de Brosnan, c’est plus de Sean Connery que nous pourrions le rapprocher, dans cette association entre ce flegme, justement, ce goût de la punchline, et un côté plus physique et ténébreux. Un héritage qui ne signifie pas que l’on va suivre exactement le même modèle, ce nouveau film s’inscrivant dans une dynamique particulière. Car ce qui se dégage de GoldenEye, c’est l’image d’une synthèse du passé de la saga, associée à une remise en question de ce dernier, et une quête de renouveau.
Cela passe beaucoup par les personnages secondaires du film. On pense par exemple à Alec qui se moque du « shaken not stirred » en pleine confrontation solennelle, ou qui dit de James Bond qu’il est plus fidèle à la mission qu’à un ami, rappelant justement le virage de Permis de tuer, qui faisait preuve d’exception. On pense aussi, bien sûr, aux personnages féminins, qui tiennent une posture dominante vis-à-vis de James Bond dans cet épisode. C’est le cas de Xenia Onatopp, avec sa nature sauvage et masochiste, mais aussi de M, qui trouve en la personne de Judi Dench une incarnation qui octroie au personnage beaucoup d’intérêt et de fraîcheur. L’arrivée de Barbara Broccoli aux commandes de la saga permettra l’approbation de cette idée soumise par le réalisateur Martin Campbell, et c’est au détour d’un échange très tendu qu’elle lui assène une réplique ô combien symbolique : « Je pense que vous êtes un dinosaure sexiste et misogyne, une relique de la Guerre Froide, dont le charme puéril, sans effet sur moi, a fasciné la jeune femme qui vous a évalué. » Cette réplique met en lumière cette prise de conscience et cette volonté explicite de faire évoluer le personnage dans un nouveau contexte, qui s’exprime à plusieurs reprises au cours du film.
GoldenEye reste encore grandement lié à la Guerre Froide, avec ce général russe pris de folie qui rappelle celui d’Octopussy, et qui rappelle des éléments de films précédents, comme l’énorme dispositif caché d’On ne vit que deux fois, et l’arme de destruction massive en orbite des Diamants sont éternels. Ce dix-septième film opère une sorte de transition, restant attaché au passé tout en regardant vers l’avenir. Il offre un duo intéressant avec Pierce Brosnan et Sean Bean, cet ennemi venu de l’intérieur, et reprend la recette qui fonctionne, avec un goût pour la démesure, quitte à frôler l’indigestion. Pierce Brosnan prend directement bien le rôle en mains, tout comme Judi Dench, qui, malgré peu de temps à l’écran, marque instantanément. Un épisode très intéressant, pivot et symbolique, qui augure ainsi le début d’une nouvelle ère.
Critique écrite pour A la rencontre du Septième Art