Il est finalement revenu ! Alors que tout le monde croyait que la fin de la guerre froide aurait sa peau, 007 fait son come-back six ans après le non-film Permis de tuer.
Alors qu'on sentait Timothy Dalton un peu gêné aux entournures dans son smoking, le plus sexy Pierce Brosnan s'y love comme un coq en pâte. Bien sûr, il est moins inquiétant que le Bond cynique de Dalton, moins proche du héros de papier de Fleming, plus adolescent dirons-nous, mais il a un charme et une aisance à jongler avec les mots qui rappelle Sean Connery, et une facilité élégante à manier l'humour (ah, le réajustement de la cravate !) qui rappelle Roger Moore, tout en étant plus expressif que ce dernier. La Bond Girl Natalya Simonova est aussi une bonne surprise. Elle est jouée avec une touche slave caractéristique « au goût de fraise » et avec une personnalité affirmée par la suédo-polonaise Izabella Scorupco, ce que ne parvenait pas à transmettre l'autre slave Kara Milovy de Tuer n'est pas jouer (jouée par l'anglaise Maryam d'Abo).
Cet opus vaut par son ambiance crépusculaire assez particulière bien aidée par une bande-son travaillée, et surtout par ses seconds rôles réjouissants : Boris Grischenko le geek qui s'y croit, Jack Wade le branquignol de la CIA (qui remplace l'habituel Félix Leiter), l'irresistible mafieux Zukovsky, le ministre de la défense russe Dimitri Mishkin (joué par Tchéky Karyo, vu dans Nikita de Luc Besson), Xenia Onatopp la nympho aux cuisses de fer que Bond envoie définitivement en l'air à la fin et surtout la nouvelle M. Alors que le patron de 007 avait toujours été une figure tutélaire masculine plate et sans relief depuis le début de la saga, Judi Dench campe le personnage en lui donnant un certain panache. Elle s'autorise même à signifier à Bond ce qu'il incarne depuis un quart de siècle : « sexiste, misogyne et dinosaure, une relique de la guerre froide », n'est-ce-pas ?
Les scènes d'action et les effets spéciaux se sont aussi singulièrement améliorées en six ans. Et enfin, enfin, le film peut être tourné pour la première fois en Russie. Quelque chose qui ne s'était jamais produit, alors que Bond y a quand même fait dans sa carrière « un petit saut de temps à autre. Du va-et-vient » ! Le générique bien chanté par Tina Turner fait lui écho, en plus moderne, à celui de Goldfinger. Les silhouettes féminines qui y tapent avec un marteau sur des faucilles ne sont elles, pas très subtiles. Mais bon, quand est-ce qu'un générique de Bond a-t-il été subtil ?
Par contre le scénario ne suit pas : l'idée d'un ancien agent du MI6 qui retourne sa veste a été beaucoup mieux exploitée dans Skyfall. Les invraisemblances à répétition ne deviennent plus très marrantes (on n'est plus dans une comédie potache à la 007 Moore) et le méchant Janus joué par Sean Bean n'est pas très crédible dans sa tentative de venger l'honneur de sa famille cosaque abandonnée par la couronne britannique (celui-ci sera nettement plus à sa place en tant que Lord Eddard Stark dans Game of Thrones voire même en tant que Boromir dans La communauté de l'anneau). La nouvelle Miss Moneypenny (Samantha Bond) est aussi un vrai faux pas, tout comme la cruche piaillante Caroline qu'on nous donne à voir dans la scène post-générique. Mais sans doute est-ce du trente-sixième degré. Donc on se réjouit forcément du retour d'un Bond populaire, mais au bout du compte Goldeneye comporte aussi de nombreuses faiblesses. Simultanément au film est sorti le jeu vidéo Goldeneye sur Nintendo 64, qui était lui un chef d'œuvre intégral qui allait révolutionner les jeux de tir subjectif. Signe des temps ?