Redéfinition du mythe Bond et virage bien négocié

6 ans d'absence depuis Permis de tuer, 6 ans qu'il se faisait désirer, laissant le champ libre aux nouveaux héros des années 90, 6 ans d'attente ce fut long pour les fans dont je fais partie, mais Bond est de retour, les temps changent, lui aussi, car la production avait fort à faire pour redonner vie à la défroque de 007 abandonnée par Timothy Dalton après 1989, il fallait comme l'a dit Martin Campbell, tout remettre à plat, la franchise avait tendance à donner de sérieux signes d'essoufflement, il fallait donc un relookage total : nouveau staff, nouvelle équipe scénaristique, nouvel interprète, nouveau réalisateur, nombreuses nouveautés, dont le fait que M soit une femme mûre n'est pas la moindre, ce qui vaut une excellente scène au début du film, où M rabaisse plus bas que terre le surhomme du MI6, en le comparant à un dinosaure, un produit périmé de la guerre froide, un super-héros sexiste ... c'est vraiment un grand moment et une très belle entrée en matière pour Judy Dench. Ce virage amorce une tendance plus dure et plus sévère dans les relations entre Bond et M, et ça augmentera bien plus tard lorsque Daniel Craig reprendra le rôle.
En tout cas, le personnage de 007, dépoussiéré, plus humain, un peu plus féroce mais charmeur et toujours enclin aux punchlines drolatiques, est bien ancré dans sa nouvelle époque, Pierce Brosnan a le physique de l'emploi et redonne au personnage le cynisme qui caractérisait l'époque Sean Connery.
Les scènes d'action doivent se plier aussi à l'avancée technologique des années 90, car pendant 6 ans, la technique a évoluée, la redéfinition du héros d'action aussi, le sens du mot "spectaculaire" également. De ces handicaps, les concepteurs ont su tirer avantage, le ravalement de façade a tenu compte de tous ces paramètres, les scènes d'action sont spectaculairement bondiennes, à l'image de la séquence d'ouverture décoiffante (avec d'abord le fameux saut à l'élastique vraiment effectué par le cascadeur, sans trucage), et surtout de la poursuite démentielle dans les rues de Saint-Petersbourg avec un tank.
Le casting est impeccable, et là aussi, il n'était pas question de recruter un démiurge caricatural ou un scientifique diabolique ; avec Sean Bean en méchant qui retrouvait un rôle de premier plan peu après Jeux de guerre, c'est l'envers de Bond, le mauvais numéro (006), il agit pour sa propre cause en rendant le MI6 et l'Angleterre responsables de son revirement. Son alliée Famke Janssen incarne une beauté vénéneuse à l'image d'une mante religieuse mordante et sadique, c'est une garce superbe qui rappelle la Fatima Blush de Jamais plus jamais (hors franchise bien évidemment), et Robbie Coltrane est excellent en Valentin Zukovsky truculent. La Bond girl principale incarnée par l'ex-mannequin polonais Izabella Scorupco faillit à la tradition sans pour autant la trahir, car elle est loin d'être la nunuche de service et elle ne tombe pas toute cuite dans les bras de Bond. On peut aussi signaler le rôle de l'agent de la CIA joué par Joe Don Baker, sorte de pépère décadent qui roule dans une Traban toute pourrie, et qui donne une image très inhabituelle des agents secrets américains. Comme on le voit, pas mal de clichés ont volé en éclats.
En tant que fan invétéré de la franchise, j'ai aussi apprécié le petit clin d'oeil aux anciens Bond : l'Aston Martin DB5 ressuscitée lors d'une superbe séquence de poursuite au début avec une Ferrari Testarossa, sur les routes de Côte d'Azur.
Au final : c'est un virage parfaitement négocié pour la franchise qui prenait quand même un risque, et qui demandait donc confirmation, mais c'était sans compter sur le talent du réalisateur Martin Campbell qui a rendu une excellente copie, et qui a retrouvé également un composant essentiel qui faisait défaut aux 2 Bond de Timothy Dalton : l'humour décontracté, voire même la parodie délirante, perceptible notamment dans la scène avec Q. Un dernier mot sur la musique d'Eric Serra qui convient bien aux échappées aquatiques de Luc Besson, mais pas tellement pour un Bond, car il casse les codes, c'est le seul petit reproche que je fais au film et qui lui coûte un point, sinon c'était le 10/10 assuré ; heureusement que la chanson-titre de Tina Turner rattrape le coup, de même que l'étonnant générique de Daniel Kleinman (qui succède à Maurice Binder) affiche un nouveau style. Ce film se révèle donc pour moi le meilleur Bond de la franchise pour l'instant, à tel point qu'il se classe n°1 de mon Top Bondien.

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le 21 juil. 2017

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