Sans nouvelles du Bon Dieu.
Apparu pour la première fois en 1994 dans le roman "Un dernier verre avant la guerre", le duo de détectives Patrick Kenzie et Angela Gennaro, imaginé par Dennis Lehane, est un des plus attachants de la littérature contemporaine, évoluant au gré d'enquêtes toutes aussi passionnantes que dérangeantes. Il était temps que Hollywood adapte leurs aventures pour le cinéma et c'est désormais chose faite avec "Gone, baby, gone", transposition de leur... quatrième aventure ! Logique, quand tu nous tiens...
D'abord réticent à l'idée de voir le comédien Ben Affleck s'attaquer à un univers si particulier et si complexe pour son premier essai derrière la caméra, il faut bien reconnaître que ce choix est finalement extrêmement pertinent, Affleck, à l'image de Lehane, ayant grandi lui-même dans les rues de Boston et ayant déjà démontré avec le scénario de "Will Hunting" qu'il était parfaitement apte à retranscrire le coeur de sa ville natale.
Et si la mise en scène de l'apprenti cinéaste ne casse pas une patte à un ewok, elle se révèle cependant efficace et sobre, pudique, avant tout au service de l'histoire. Soucieux d'authenticité, Affleck rend l'atmosphère de la ville palpable, à portée de main du spectateur, rendant ainsi parfaitement justice aux écrits de Lehane, ayant de plus fait le choix judicieux d'engager de véritables habitants du quartier.
Relativement fidèle au roman d'origine, cette adaptation modifie et simplifie quelque peu l'intrigue, vire quelques personnages et toute allusion aux précédentes aventures du duo dynamique, ce qui a pour effet d'apporter plus de rythme et d'aller droit à l'essentiel même si l'on perd au passage beaucoup de la psychologie des deux héros, notamment sur leur passé et leurs fêlures, l'implication du personnage d'Angie étant de plus scandaleusement minimisée alors qu'elle demeurait foutrement badass dans le roman.
Malgré les modifications inhérentes à toute adaptation qui se respecte, "Gone, baby, gone" conserve heureusement l'essentiel, à savoir un spleen suintant de tous les pores et une vision désabusée de l'humanité, où les pires monstres peuvent se cacher simplement en face de chez vous, où un gamin de sept ans peut subir les pires sévices sans que personne ne le sache.
Porté par un casting impeccable mené par Casey Affleck, impeccable, et Michelle Monaghan, belle comme le jour, "Gone, baby, gone" est une excellente surprise et les débuts prometteur d'un comédien / Cinéaste qui confirmera l'essai quelques années plus tard avec "The town" et surtout "Argo", plongée sans retour dans la crasse humaine conservant dieu merci le final amer du bouquin.