Bon, ça va divulgâcher les petits amis...


En 2007 les USA sont obligés d'envoyer des troupes supplémentaires en Irak pour tenter de contrôler le foutoir qu'ils ont déchainé. En 2008, Obama gagne largement une élection qui est la punition d'une administration Bush en perdition et d'une guerre déjà largement impopulaire. Le premier président noir de US n'oubliera pas cette leçon et d'une certaine façon réalisera le rêve contrarié de Donald Rumsfeld: une guerre économique, largement déléguée à des mercenaires et des forces spéciales, avec une occupation minimale de troupes régulières. C'est ainsi que le drone deviendra l'arme numéro uno des guerres à venir et de la stratégie Obama en général. Le problème de cet expédient par ailleurs merveilleusement discret est qu'il est absolument anti-cinégénique, vu qu'il s'agit en somme de connards avec une commande de X-box qui explosent des bronzés à dix mille kilomètres de distance. Difficile de faire frémir avec des engagements aussi peu périlleux...


C'est ainsi qu'Andrew a logiquement choisi de faire de cette absence de tension la base de son film: son protagoniste lutte avec le fait qu'il n'a même pas la légitimité du risque héroïque de l'engagement et qu'il n'est utilisé que comme un vulgaire assassin du ciel. Sa vie personnelle se ressent de cette émasculation. Jusque là, c'était pas mal vu. On peut glisser gentiment sur le fait que le film semble vouloir faire passer la CIA comme la source de tous les maux de l'armée (qui n'a vraiment pas besoin d'eux pour être maléfique malgré l'indéniable expertise en affaires maléfiques de la CIA). Ethan Hawke fait le boulot, la fille de l'autre nullard de Kravitz est inutile mais mignonne, l'aspect criminel et déshumanisant de la guerre par jeu vidéo bien soulignée, c'est un petit peu verbeux et démonstratif mais c'est le gars qui a fait Lord of War, on ne s'attend pas à trop de subtilité. La réal est pas ouf mais il y a quelques moments assez prenants, surtout à partir du moment où la CIA s'en mêle, l'utilisation de la vue "embarquée" est efficace et renforce l'aspect inhumain de l'arme. A dix minutes de la fin, on se dit qu'Andrew a presque réussi à transformer la merde, bon, pas en or, mais disons en cuivre... Et la fin arrive et là, bardaf, on retombe le pif dans la merde.


La fin est foirée à un point inouï. Putain, j'ai du mal à exprimer à quel point cette fin est débile.


C'est con qu'il ne m'ait pas demandé avant de tourner parce que j'avais la fin parfaite avec très peu de modifications: tout se passe comme dans le film, il se dit qu'il va vaporiser le violeur, mais à la dernière minute, au moment de presser la gâchette de son joystick à la con il s'arrête parce qu'il a réalisé que le problème est tout simplement qu'il ait ce pouvoir à sa disposition. Il renonce à vouloir être le héro et laisse se passer ce qui doit se passer, le bien comme le mal. Fin de ouf, 10/10, top 111 de sens critique, voilà un film avec des vraies cojones. Mais la vraie fin n'est pas celle-là, non, non, non! La fin d'Andrew est la version pour demeurés. En vrai, le mex explose le pointeur et part tout content, virilité retrouvée, dans le soleil couchant. Fin débile...


En fait elle est pire que débile, elle est, à dessein ou non, maléfique, elle aussi, presque autant que la CIA. Elle revient à dire que si l'on pouvait corriger les motifs de l'impérialisme américain on pourrait enfin lui faire servir le bien. C'est le bon vieux fantasme libéral qui veut que le problème ce sont les gens qui sont aux commandes et pas le système en lui-même. Donner des drones à des mecs biens et c'est dans la poche. ARGH!!!!


Le problème de cette fin est qu'elle annule toute la bonne volonté qu'on avait bien voulu accorder au film jusque là, passer sur ses moments bof bof (la fille Kravitz ne sert vraiment à rien si ce n'est à exposer le thème du film, coupe-moi ça et trouve un moyen cinématographique de présenter tes idées, Andrew!) et même légèrement nauséeux (comme quand le gars est tout fier d'avoir veillé sur le sommeil de Navy Seals sûrement partis pour buter un montagnard illettré dans la steppe afghane ou un pirate enturbanné au Somaliland...). On en vient même à en vouloir au film de n'être pas beaucoup mieux qu'un bon vieux "shoot and cry"...


J'ai rarement été autant en colère contre une fin de film.

Listening_Wind
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le 28 mai 2021

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