Le film de Jacques Becker est bien dans l'esprit de son époque (pétainiste), il caractérise, à l'instar de nombreux films sortis pendant l'Occupation, l'ordre moral du régime .A travers la famille Goupi, on fustige l'indignité, la famille bafouée, la cupidité et l'égoisme.
Un jeune parisien un peu tendre découvre, en même temps que le spectateur, un univers sordide, celui d'une famille paysanne (la sienne, qu'il ne connait pas) dont les membres déshonorent la campagne française ou symbolisent ce qu'elle a de plus méprisable, de plus caricaturalement arriérée. Dans le clan Goupi, qui n'apparait soudé que face aux éléments étrangers, les liens sont distendus par la méchanceté et les querelles d'intérêt. Père et fils, brus et belles-soeurs s'épient, se jalousent, se haïssent; ils incarnent une France profonde pervertie par l'avidité et par des réflexes ancestraux. Ils sont paysans dans le sens le moins noble, c'est-à-dire ne représentant pas les valeurs honorables du travail et de la terre. Le regard de Becker va si loin dans la noirceur qu'en définitive, comme Clouzot d'une certaine façon dans "Le corbeau", son film ne répond plus vraiment aux canons de Vichy en ce qu'on n'y trouve rien de vraiment édifiant ou de réactionnaire.
Quelques uns, pourtant, échappent au mépris: l'arrière grand-père qui cultive la mémoire d'une France glorieuse et qui se meurt sans révéler, malicieusement, où il caché le magot; l'oncle "Mains rouges" qui, au-delà de ses bougonneries et de sa rancune contre la famille, conserve seul le sens de l'honneur; enfin de jeunes amoureux ( la France de demain, innocente -terme clé en cette période où l'on cherche les responsables de la défaite- l'espoir moral de demain) dont les parents bafouent les sentiments.
La force du film est d'avoir su mêler cette dimension morale dans l'air du temps à un récit juste et réaliste, semble-t-il, où les moeurs et les figures sont vraies.