Je ne connaissais absolument pas François Ozon, mais j'ai été bien intéressé par ce projet d'adaptation d'une pièce de Fassbinder et plutôt amusé par sa bande-annonce qui laissait transparaitre une comédie assez siphonnée. L'histoire raconte donc l'emprise charnelle de Léopold, un homme d'âge mûr, sur Franz, un jeune homme en perte de reconnaissance. Découpé en quatre actes, nous suivons les pérégrinations ambiguës du couple qui vont se confronter à deux femmes surgissant de leurs passés.
Tout d'abord je dois avouer que j'ai été pris d'un rire nerveux à plus d'une reprise tellement certains passages étaient ridicules. Le potentiel nanardesque du long métrage est assez bien appuyé durant la première moitié du film et c'est bien dommage, car ça annihile finalement sa portée dramatique. Bien qu'il baigne dans une ambiance résolument kitsch et vaudevillesque, le film peine à faire ressortir toute la perversité du personnage de Léopold qui n'hésite pas à user de la fragilité de Franz pour marquer son autorité dans le couple. La faute à un traitement beaucoup trop théâtralisé. Les acteurs débitent leurs répliques cinglantes avec une impassibilité confondante. Même lorsqu'ils vocifèrent, il y a quelque chose d'artificiel qui fait que la connexion ne passe pas entre eux et encore moins avec nous. J'ai eu cette sensation que l'intrigue aurait pu vraiment gagner en relief sur les planches, avec un quatrième mur oscillant entre explosions appuyées et rires coupables.
L'alchimie ne décolle réellement qu'à un quart d'heure de la fin, avec le personnage de la transsexuelle qui crève enfin l'abcès en se mettant à nue, dessinant ainsi les contours de l'implacable piège mental dont ils ont tous été victimes. Avant cela, on s'ennuie ferme entre quelques fulgurances excentriques et musicales, des gesticulations de Franz en slip sur du Temirkanov à l'improbable chorégraphie de l'ensemble de la distribution sur un tube allemand des 70's.
De Fassbinder je n’ai vu que Le Monde sur le fil que je considère comme l’une des meilleures œuvres science-fiction de tous les temps en plus d’être une pépite esthétique. Cet héritage transparait par petite touche dans le film : un certain sens de la mise en scène, cette utilisation des miroirs et des fenêtres pour renforcer l’ambiance oppressante et le décalage des personnages-marionnettes avec les situations, etc. D’ailleurs, il est intéressant de constater que le film débute par une vue du vitrage brouillé de la porte d’entrée et s’achève par l’éclatante transparence de la fenêtre qu’il est impossible d’ouvrir, délimitant ainsi parfaitement l’espace-temps du huis clos psychologique auquel nous venons d’assister. Pourtant, le disciple est très loin d’égaler le maître, Ozon se contente d’utiliser l’écume de ses codes visuels en les alignant que trop rarement avec le sens réel du film. C'est d'autant plus frustrant lorsque j'ai appris que Fassbinder n'a finalement jamais adapté la pièce, que ce soit sur scène ou au cinéma... Nous devrons donc nous contenter de cet essai raté...