Gozu (2003) - 極道恐怖大劇場 牛頭 GOZU / 130 min
Réalisateur : Takashi Miike - 三池 崇史
Acteurs principaux : Hideki Sone ; Shō Aikawa - 哀川 翔 ; Kimika Yoshino - 吉野公佳 ; Shohei Hino - 火野正平
Mots-clefs : Japon - WTF
Le pitch :
Minami et Ozaki sont deux yakuza inséparables depuis que le second a sauvé la vie du premier. Mais Ozaki commence à avoir les fils qui se touchent et présente des signes de paranoïa aggravée. Son boss décide alors qu'il est temps de s'en séparer et demande à Minami d'emmener Ozaki à Nagoya et de se charger de la sale besogne.
Premières impressions :
Au fond d'un tripot japonais, un yakuza se penche vers son supérieur. La mine grave il commence : "Ce que je vais vous raconter est une blague, ne prenez pas ça au sérieux".
Trois minutes vingt-trois secondes et déjà Takashi Miike nous met en garde. Le réalisateur entre dans le magasin de porcelaine de vos préjugés, et il a bien l'intention de tout casser. Pourtant... Pourtant la scène semble sérieuse. On pourrait croire à du Kitano avec tous ces yakuza qui se regardent en chien de faïence.
"Le chien... Ne le fixez pas... C'est un chien anti-Yakuza".
Oh wait ? J'ai mal lu le sous-titre, j'ai mal compris le japonais mais... Eh ! Non mais ! Qu'est-ce qu'il fait au chie...Noooooooon.
J'avais 19 ans, j'avais été courtisé par Nakano, inspiré par Imamura, subjugué par Kitano, fasciné par Kurosawa, mais c'est bien Miike qui m'a fait vivre mon premier gang-bang filmographique. Si j'avais oublié le nom du réalisateur et le titre, j'avais gardé un souvenir très clair de ce joyeux bordel. Douze ans plus tard, le film n'a rien perdu de son caractère extraterrestre. Les scènes défilent et battent des records de WhatTheFuck. Fuites de lait au plafond, spiritisme sadique, vache tueuse.. Autant d'allégories dont le sens nous échappe.
Le génie de Miike c'est d'intégrer ces éléments fantastiques au sein d'une histoire qui tient la route et de transformer l'invraisemblable en norme. Il nous fait glisser lentement dans son univers déjanté comme Alice plonge dans le monde des merveilles. Les délires ont un sens, ils s'assemblent en gardant le récit cohérent, mais il faut savoir se perdre pour le comprendre.
On retrouve d'ailleurs cette dualité dans la réalisation. Les plans, les angles de caméra, le montage ne sont jamais approximatifs. C'est ce cadre qui permet à Miike de se lâcher dans la narration en nous distillant juste ce qu'il faut d'éléments "normaux". Le jeu des acteurs est souvent exubérants, mais n'empêche jamais de transmettre une histoire profondément humaine. Une fable moderne en quelque sorte.
Ainsi, Gozu est forcément un film qui divise, du genre que l'on aime ou que l'on déteste. Ses détracteurs focalisent sur le fantastique du film en n'y voyant que des scènes dégénérées au sens abscons. Ses défenseurs, dont je fais partie, acceptent pleinement de se perdre dans l'onirisme cauchemardesque afin d'y retrouver l'essentiel, la liberté et la création.