Avec Grand Tour, Miguel Gomes orchestre un voyage à la fois dans le temps et dans l’espace, où l’Histoire, jamais linéaire, dévoile des récits multiples qui dialoguent entre eux, créant une mosaïque d'instants humains, aux réalités plurielles.
En s'affranchissant des codes de la narration cinématographique, le cinéaste portugais compose une œuvre hybride, à la fois récit et commentaire, qui mêle documentaire, fiction et expérimentation visuelle. Si la démarche peut apparaître au premier abord expérimentale, il faut accepter de se laisser guider pour en apprécier la beauté.
Chaque fragment de Grand Tour s’impose comme une œuvre à part entière, où des temples enneigés côtoient des forêts de bambous artificielles, et où un rond-point vietnamien devient le théâtre d’une valse viennoise. La photographie capte autant la texture des paysages que les cicatrices laissées par l’Histoire, tandis qu’une bande-son lyrique enveloppe le spectateur dans une atmosphère onirique.
En détournant l’idée du "Grand Tour" aristocratique européen, Gomes propose une critique subtile des idéaux coloniaux et des prismes culturels occidentaux. Les personnages, bien que souvent réduits à des archétypes, sont profondément humains dans leurs désirs, leurs échecs et leurs contradictions.
Grand Tour n’est pas une œuvre qui se livre au premier regard. Elle exige du spectateur une navigation active dans ses images, une acceptation de l’ambiguïté et une ouverture à l’interprétation. Miguel Gomes nous rappelle que l’Histoire, loin d’être un récit figé, est un dialogue permanent entre le passé et le présent, une quête de sens infinie, mouvante, cyclique.