J'étais passé à côté de la ressortie en octobre dernier ce téléfilm de JLG et je dois avouer que je suis assez surpris qu'en 1986 ce genre de film pouvait passer sur TF1. La chaîne a été privatisée l'année suivante et était considérée comme la chaîne la plus à gauche des trois chaînes publiques. Quelque part ce film Godard signe le chant du cygne de cette période. D'ailleurs j'ai du mal à imaginer le spectateur qui en mai 86 tombe un samedi soir sur ça à la télévision, parce qu'on a là un pur Godard des années 80. Il dit qu'il est revenu au cinéma commercial avec Sauve qui peut (la vie), mais clairement son cinéma n'a plus rien à voir avec ce qu'il faisait au début des années 60 et a clairement de quoi dérouter le public.
Il y a certes encore une histoire, mais elle est diluée, réduite à son minimum, ce qui intéresse Godard ici c'est de montrer la vie d'un petit studio de cinéma. Enfin, lorsque Godard filme ce qu'il pense être la vie il filme ce qui nous fait, à nous, ressentir ce qu'est la vie. Pour cela il utilise ses procédés habituels, notamment au niveau du son où les personnages parlent tous en même temps créant une sensation d'ébullition permanente mais également de capharnaüm. Mais au milieu de cette agitation Godard filme surtout les visages de ces sans nom, de ces acteurs qui viennent passer des essais qui tournent en rond en répétant une phrase à chaque passage devant la caméra. Le personnage de Jean-Pierre Léaud, qui est réalisateur dans le film, appelle ça la mer, chaque ligne de dialogue est une vague et ensemble ils doivent reformer la mer.
Ces scènes sont longues, ce qui renforce la beauté des quelques instants où Godard ralentit l'image, fait un arrête sur image sur un joli visage féminin. Il utilise le précédé qu'il explicitait dans Scénario du film Passion (une sorte de making off de son film Passion) afin de créer de la poésie en superposant les images.
Bien sûr comme dans tous les Godard il y a énormément de dialogues percutants, de scènes fortes mais qui finissent par s'annuler les unes les autres tant ils s'enchaînent comme les vagues qui se brisent sur la plage. Je retiendrais néanmoins ce passage où Godard apparaît lui-même aux côtés de Mocky pour dire que Paris pue car les gens ne se lavent pas assez les idées. Ou je rentiendrais encore cette comparaison entre la grille autour des fenêtres du studio et la grille des programmes à la télévision, façon de faire comprendre qu'on est enfermé sur le petit écran.
Mais le film évoque surtout la fin du cinéma, comme le dit le titre. Il est toujours question d'argent, toujours question de financer les films, d'ailleurs la présence de Godard se fait limite apaisante lorsqu'il apparait relativisant presque les deux milliards d'anciens francs que prend Polanski pour faire un film. Mais le constat reste là, le personnage de Mocky, Jean Almereyda, qui est d'ailleurs appelé Jean Vigo à un moment dans un carton, ne peut plus faire de films... Il n'en a plus les moyens...
Il y a donc en toile de fond cet essoufflement de la petite production face aux superproductions... Ce qui aujourd'hui résonne forcément... même si le cinéma n'est pas mort.