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Un projet pourtant intéressant


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Certes le projet est intéressant. Jean-Luc Godard pirate une commande de TF1. La chaîne lui a demandé une adaptation de Chantons en cœur de James Hadley Chase. Au lieu d’en faire un téléfilm policier, il crée un pamphlet accusant en filigrane la télévision d’être la meurtrière du cinéma d’auteur en forme de de making of expérimental. Et ce qui est fou, c'est que TF1 a diffusé le film !



Un beau travail cinématographique, pourtant



Il y a quelques belles trouvailles. Le film joue sur la répétition, jusqu’à l’absurde, de gestes professionnels qui n’ont rien de très artistique, qui s’oppose à une cinéphilie dépassée, qui elle, est poussée en bord de cadre. Il y a de nombreuses citations d’œuvres dans l’image, souvent au fond, souvent en bord de cadre, qu’il est amusant de chercher. Godard joue sur l’esthétique télévisuelle, y compris sur ses couacs techniques. Il travaille le son pour créer le brouhaha.


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Un propos et un traitement vaniteux



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Tout le reste est vain, vaniteux, voire injurieux. Dans le propos d’abord. On y voit un réalisateur (double de Godard, j’imagine) qui doit, probablement pour des raisons alimentaires, tourner une adaptation d’un roman de « Série noire » pour la télévision et le fait à reculons. Godard déplore la grande époque du cinéma et honnit la médiocrité de la télévision, qui a tué le premier. Et il choisit pour cela de se concentrer sur le recrutement des figurants. Les affiches et extraits sont autant d’hommages au cinéma d’antan, mais surtout les personnages sont les alter ego de sa clique. Il semble donc regretter le temps où il pouvait faire du grand cinéma. C’est assez égocentrique. Et est-ce vraiment le cas ? Est-ce la fin du grand cinéma que déplore Godard, ou le désamour du public pour son cinéma à lui ? Dans ce cas, c’est pathétique. Il choisit pour cette critique un angle surprenant : le casting de figurants. En quoi les figurants sont-ils responsables du déclin de l’art ? Pourquoi n'a-t-il pas dirigé ses feux contre les producteurs ?


Dans la forme ensuite.
Les réactions du producteur et du cinéaste manquent de dignité : ils méprisent le roman, mais acceptent la commande, ils gesticulent et ils vocifèrent. Principalement sur les figurants, et plus exactement sur les figurantes. Ils semblent les malheureux boucs émissaires de la vindicte à la fois du cinéaste et de ses alter ego. Le réalisateur regrette qu’on soit obligé d’embaucher à l’ANPE (et Godard a embauché des chômeurs pour les jouer, la mise en abyme est d’une cruauté injurieuse, je trouve). C’est une déferlante informe, qui le dépasse, un troupeau de bêtes interchangeables, qu’il fait défiler une à une en prononçant des phrases absurdes. Lui-même ne sait pas où il va, mais cela ne l’empêche pas de mépriser les femmes qui l'ignorent aussi -et pour cause! D’ailleurs, curieusement, c’est sur les femmes que lui et le producteur hurlent. Curieusement, il y a plus de femmes que d'hommes dans ce défilé d'abrutis obnubilés par la gloire. Et les personnages féminins sont encore plus réduits à des rôles de punching balls, ne bronchant pas quand on les engueule, ne comprenant pas ce qu’on leur dit et n’ayant aucun sens cinématographique (ou de sens pratique en ce qui concerne la secrétaire de production).


P.S. : je remercie tous les éclaireurs qui ont fait des critiques de ce film, toutes très constructives, et m’ont permis de comprendre le film et d’y voir la multitude d’allusions cinéphiliques invisibles pour le non-initié et de mettre (un peu) d’eau dans mon vin.

Créée

le 9 août 2019

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