J'ai attendu ce film comme le messie des mois durant.
Pour une fois que le cinéma français promettait autre chose que des comédies débiles et des films sociaux qui n'ont pas plus de rapport avec le cinéma qu'un vegan avec un fan de Buffalo Grill, j'étais décidée à y plonger le nez avec entrain.
Je n'ai pas été déçue. L'atmosphère très poisseuse de Grave, et sa longue, longue montée en puissance au fil de l'évolution de l'héroïne sont les principaux points forts du film. La caméra se faufile partout où elle doit (et surtout ne doit pas) poser son œil dérangeant. Jusque sous les draps d'une gamine surdouée un peu paumée dans l'univers sans pitié d'une fac aux allures de prison tellement les murs gris et les locaux peu engageants impressionnent. Car j'ai été impressionnée, autant par la bande-son remarquablement plurielle (pour finir sur un crescendo glaçant), que par la qualité sensorielle de l'œuvre. On a envie de se démanger avec Justine, on ressent toutes les agressions physiques, mentales, le manque, le besoin ivre de vivre, de boire, de manger et de baiser jusqu'à se sentir enfin repue.
Certains dialogues paraissent vains, pourtant rien n'est superflu dans Grave. On nage dans le monde de la fable, mais ses pieds sont suffisamment ancrés pour nous empêcher de prendre le scénario avec légèreté. Pour autant, jamais l'on ne se prend trop au sérieux au point de tomber dans le ridicule : le film dose tout, et joue avec les nuances sans s'embarrasser de poncifs ou d'effets prompts à briser ses effets.
La fin est à la hauteur des attentes du spectateur, sans pour autant tomber dans un excès stupide.
Quant au casting, inutile d'épiloguer : pas un acteur ne déroge à son taff, et c'est un plaisir pour les yeux que de découvrir le jeu de Garance Marillier. La présence de Laurent Lucas, quant à elle, conforte bel et bien le label qualité.
Grave est la preuve évidente qu'avec un peu de travail, de bonne volonté, de courage et d'audace, le cinéma français est loin d'être aussi moribond qu'on le dit.