Notre chair et tendre

Si Grave était autant attendu, c'est que le buzz a complètement fonctionné. Film à part, pari gonflé d'une jeune réalisatrice nourrie à toutes les ambitions et décidée de laisser de côté les inhibitions habituelles d'un cinéma français étranger à toute culture de "genre" si ce n'est celle de la comédie bourgeoise. Julia Ducournau savait parfaitement qu'elle allait choquer et traumatiser et si on ne doute pas de sa sincérité, le plan marketing a aussi tourné à plein. Ceci dit, si le film était loupé, les conséquences auraient été pour le coup, extrêmement graves pour la cinéaste débutante. Même ses détracteurs l'avoueront : Grave est un film sacrément maîtrisé, cannibalisant tous les clichés possibles des films d'horreur s'inspirant des teen movies et du film d'apprentissage. Un cocktail sanglant, au curseur poussé à la limite, pas pour les petites natures qui s'évanouissent avec un doigt de gore. Son chair et tendre film regorge de scènes ébouriffantes et ne laisse subsister aucune trace de gras dans son développement. Le film fonctionne sur l'attente du pire alors que celui-ci ne vient qu'exceptionnellement. Suffisant pour créer un climat avec un style déterminé et une audace canalisée : Julia Ducournau sait parfaitement jusqu'où aller dans le trash et le crade. Un peu loin mais sans franchir la ligne jaune (ou rouge si l'on préfère). La réalisatrice ne se viande pas, si l'on ose dire, parce qu'elle a déjà la connaissance des limites des spectateurs. Elle se lâche certes mais ne se grille pas par excès. C'est fort. Et le plus puissant là dedans est ce duo formé par les deux soeurs "de sang" incarnés par les excellentes Garance Marillier et Elia Rumpf. Ducournau a pour elle du sang et des armes. Bon appétit !