Vu à une avant-première organisée par ma fac, je dois dire que je ne m'attendais pas à une telle claque ! On assiste ici à un tour de force qui innove dans le registre horrifique. Rejoignant à mon goût Martyr (2008) et A l'intérieur (2007) dans le panthéon de l'horreur Made in France (jetons un voile pudique sur Sheitan), Grave est un film jusqu'au boutiste qui à aucun moment ne se réfrène pour modérer son propos et se plonge totalement dans son délire.
Là où Martyrs mettait en scène la souffrance de manière froide, méthodique et expérimentale, Grave, ici, montre une souffrance organique, dérangeante et diablement réaliste. La réalisatrice prend un malin plaisir à s'attarder sur des scènes de souffrance "communes" même quotidiennes. Ces dernières, filmées en gros plan et appuyées par un son amplifié, ne font qu'accentuer le malaise des spectateurs qui ressentent la souffrance dans une promiscuité dérangeante : des poils qui se tirent, des grattements frénétiques ... autant de scènes qui ne font qu'oppresser le spectateur, car diablement communes. Pas besoin de grands artifices et d'hectolitres de sang, pour pousser le spectateur à bout et Julia Ducournau l'a compris ! Cette enfilade de scènes prennent au corps le spectateur et l'implique dans la souffrance des protagonistes.
A cette souffrance, il faut ajouter la violence de ce film. J'ai lu dans une autre critique sur SC que la violence c'était "l'immédiateté". Cette explication prend tout son sens dans ce film. Le dosage scène de la vie quotidienne/délire cannibale est parfaitement orchestré ! L'immédiateté avec lequel on passe du calme à la tempête est magistrale : certains moments m'ont scotché à mon siège tellement ils étaient inattendus (nan mais vraiment j'ai jamais vu ça). La transition n'est aucunement amené et le dérapage est instantané. De ce fait, on ne peut que être pris dans "l'action" et partager l'animalité qui suinte des scènes cannibales. Cette immédiateté est également soutenue par une écriture très efficace et allant directement au but.
Certains pourraient lui reprocher un scénario simpliste bourrée de facilités, mais au contraire, un scénario plus complexe aurait desservi le film. Les raccourcis dans l'histoire et sa simplicité permettent un parfait enchaînement des actions renforçant leur immédiateté. Cette dernière étant là pour retranscrire le changement de Justine : sa virginité (dans tous les domaines) se retrouvent brutalement confrontée aux aspects les plus extrêmes de la vie. De ce choc physique, psychologique et moral naîtra une Justine animale, cessant de refouler sa véritable nature.
Dernier point où Grave réussit brillamment : l'humour. Un comique grinçant tout sauf potache imprègne le film et lui permet de prendre une teinte encore plus noire et dérangeante sans jamais casser le rythme de l'histoire.
Tous les éléments cités ci-dessus concourent à décrire notre fascination (universelle) pour le morbide et à regarder un scénario potentiel si cette fascination se muait en principe de vie.
La réalisatrice l'a elle-même dit lors d'une interview, elle voulait savoir qui l'on devenait si l'on satisfaisait nos pulsions.
En bref, ma révélation de 2017 !
PS : Très beau thème principal !