"Et si on allait voir un film de genre..."
Public: aaaaah!
"... Français!"
Public: oooooh...
Et oui, le cinéma français à la vie dure. Même quand on essaie de pondre des films qu'on a pas l'habitude de voir, l'adjectif "Français" suffit à lui seul pour effrayer, mais pas dans le sens qu'on voudrait.
"Mais ohlala ça va être chiant, tu vas voir qu'ils vont essayer de l'auteuriser, et tout pfff".
Et si on prenait le problème à l'envers ? Si, au contraire, jusque là, bon nombre de films de genre nous servaient à quelques différences près, toujours la même chose ? Des monstres qui ont tous la même gueule, des maisons décrépies dans laquelle on a oublié des chaises roulantes, des jumpscares à la con, bref, vous prenez quelques films de genre, d'horreur, ce que vous voulez de ces dernières années, vous pourrez facilement remplir une grille de bingo sur la moitié d'entre eux.
Alors évidemment, quand arrive un film français sur le cannibalisme, on se demande à quelle sauce on va être mangés (L.E.L.). Et à vrai dire oui, y'a un peu de vrai, le film se veut plus terre à terre que ses comparses. Et si c'était justement ça qui amenait le malaise ? Le fait de pouvoir s'identifier, d'amener un problème, certes, grandement impensable, mais pourtant plausible ? L'amener dans des environnements familiers ? Grave fait le pari de tout ça, et le réussit avec brio.
Alors oui, ne vous attendez pas à des hectolitres de gore, à vrai dire, il n'y a même pas vraiment de grosses scènes de "festin" et de tripailles à l'air. Le film saura pour autant vous amener des hauts le coeur. Prenant place dans une fac décrépie, ce qui frappe dans ce film c'est la sensation de crasse qui s'en dégage. Alors les gros experts en la matière me diront qu'il y a peut être des films plus dégueus, mais je trouve que le film est très réussi sur cet aspect, transpirer le sale par tous ses pores, dans un environnement vieux, suintant et poisseux. Ce qui fait que ça marche c'est que justement, cet environnement est crédible, contrairement à une maison hantée abandonnée dans laquelle on aura du mal à se projeter.
Dès lors, les personnages évoluant dans cet environnement nous paraissent proches, familiers, et les situations dérangeantes. On a presque la sensation de voir des mauvais souvenirs remonter à la surface. Quand arrivent les situations liées à l'intrigue, le malaise se fait palpable. Le film ne fait pas "peur", mais installe toute une ambiance désagréable qui ne lâche pas tout au long de ses deux heures. Et bien sûr, le film est grandement aidé par tout un tas d'autres éléments: les acteurs au top (bravo à l'actrice principale Garance Marillier), une histoire simplissime et bien écrite (énormément de surprises et une très belle fin), tout comme ses personnages, et une réalisation superbe. Le film réussit paradoxalement l'exploit d'être sale et beau à la fois.
En dire trop serait gâcher tout l'intérêt du film, donc je m'arrêterait là. De même que je conseillerai de ne pas regarder la bande-annonce. C'est un film à soutenir impérativement. Non pas parce que "ha ça change de d'habitude", mais parce que c'est un film réussi, qui mérite amplement les lauriers qu'on lui tresse, et pour montrer qu'il y a plus que jamais un public pour ça dans ce pays.