ATTENTION : MA CRITIQUE COMPREND DES SPOILERS !!!!!


J'ai vu dans les notes de mes éclaireurs qui ont soit adoré (avec des notes allant jusqu'à 10), soit détesté ce film. Le constat est donc qu'il ne laisse pas indifférent.
Moi, je lui ai attribué une note un peu plus que moyenne de 7, car globalement, malgré quelques erreurs que je soulève ci-dessous, il m'a plu.


Cela faisait longtemps que je n'avais pas vu un film d'horreur ou un film fantastique, genre que j'affectionnais étant jeune, mais que j'ai peu à peu laissé tomber, mis à part quelques bonnes adaptations de Stephen King, telles Misery ou Carrie au bal du diable.


Pour celui-ci, ce sont les bonnes notes de certains de mes éclaireurs qui m'ont influencée, et puis les quelques extraits de critiques que j'ai lus dans la presse qui étaient bonnes.


J'ai été agréablement surprise tout au long de la première partie. Quelle montée en tension !


Garance Marillier qui incarne Justine est pleine de talent, avec son visage assez froid, sa colère toute rentrée et ses yeux qui lancent des éclairs. Physique de crevette mais force herculéenne quand elle en transe.
Elle a été révélée par la réalisatrice, Julia Ducournau, qui l'a faite tourner dès l'âge de 13 ans dans son court métrage Junior, dans lequel elle a été remarquée. Junior raconte la métamorphose reptilienne d’une ado très garçon manqué en jeune fille (à voir !).


On voit tout de suite que Justine est une élève à part dans cette école vétérinaire.
Bien que se parents l'aient déjà fréquentée avant elle et que sa sœur y soit déjà élève, elle ne s'y sent pas à sa place.
D'abord, elle est végétarienne, comme toute sa famille. ça encore, ça pourrait passer. Mais, de surcroît, elle n'a pas goût aux fêtes collectives.


De plus, lors du bizutage, on l'oblige à manger un morceau cru d'animal (on ne distingue pas trop ce que c'est), et elle y est forcée par sa sœur qui craint que si elle ne le fait pas, elle ne soit pas intégrée parmi les élèves.
Un peu plus tard, on lui balance, comme aux autres bizuts, des litres de sang de porc sur le visage. Il faut avoir le cœur bien accroché mais Justine tient sans problème. Elle ne parait pas si dégoûtée.


Elle a même une révélation : le sang ne la rebute pas tant que ça et pire, elle est attirée par la viande, elle qui n'en avait jamais mangé avant.
On s'aperçoit peu à peu qu'elle a un rapport très bizarre à la nourriture et particulièrement à la viande, qu'elle mange avec avidité et même crue.


Son copain de promo Adrien, ne semble pas effrayé par les comportements bizarres de Justine, style dérober un steak haché à la cantine et le cacher dans la poche de sa blouse, dévorer un sandwich comme un animal sauvage, ou une femme préhistorique, en commençant par le milieu ou manger de la viande crue la nuit.
J'ai bien aimé le rôle de ce copain, et son interprétation. Il est d'une tolérance extrême avec Justine, prêt à tout pour la comprendre et accepter ses délires qu'il cherche à analyser et à canaliser.


Les relations de Justine et de sa sœur sont assez ambiguës : entre fraternité et jalousie, rivalité et complicité.
Bientôt un goût commun va les rapprocher, celui de la chair fraîche.


La scène du doigt est particulièrement emblématique de cette dérive assez soudaine. J'ai trouvé que les deux actrices y jouent à la perfection et que la mise en scène est géniale, soulignée par une musique à l'orgue, du plus bel effet, angoissante et lyrique à la fois.


Et la tête des parents après ! La mère est toujours dans la culpabilisation et le père reste philosophe (on comprendra pourquoi à la fin), cherchant à minimiser les faits ou à trouver des excuses à ses fifilles adorées.


Le père est interprété par le génial Laurent Lucas, qui j'ai découvert en fouillant dans sa filmo, affectionne bien ce genre de cinéma.
Rappelez-vous, il était sublime dans Harry, un ami qui vous veut du bien, film qui n'est pas classé dans le genre "film d'horreur", mais qu'on pourrait classer aisément dans ce registre, tant il recèle des la violence et des scènes glauques.


La deuxième partie va briser les tabous et c'est ce que j'ai bien aimé : la dérive progressive vers une folie indomptable.
Et ce qui est original, c'est que tout cela se fait dans un décor assez quotidien, d'école vétérinaire (la plupart des scènes ont été tournées à la clinique vétérinaire de l'Université de Liège).


Le souci pour moi fut la troisième partie, où j'ai été fort déçue par la manière dont les choses se précipitent, en particulier la fin qui forme une certaine chute explicative, mais qui rompt un peu le scénario.
Vu la montée en puissance de toute la première partie et la seconde partie qui est bien traitée, je m'attendais à beaucoup mieux. Je sais pas, une sorte d’apothéose.


Cela dit, il faut mettre en exergue le talent de Garance Marillier et celui de Ella Rumpf pour jouer les folles hystériques, galvanisées par le sang et par la chair humaine.
Avec leurs yeux blancs et leurs gestes de folles, elles font vraiment peur. Elle sont géniales dans leur genre. Elle m'ont un peu fait penser à l’interprétation de Linda Blair dans L'exorciste.


Voici donc deux actrices à suivre de près. De pas trop près, sinon elles vous mangeront les doigts !


En France, le film a subi une interdiction de diffusion aux moins de seize ans à cause de l'accumulation "des scènes de meurtre et de cannibalisme impressionnantes qui ne sont pas appropriées à un public jeune en dépit d'une volonté de second degré ».
C'est vrai qu'entre les scène gore, de cannibalisme pur et de sexe, il peut paraître violent, voire insoutenable à certains spectateurs (certains se sont évanouis ou ont vomi).
J'avoue que la séance où elle presse sur le doigt qui dégouline de sang qu'elle lape avidement m'a un peu soulevé le cœur, mais une fois qu'on est préparé, le reste passe tout seul ! Mdr !


Moi, j'y ai trouvé de la créativité, de la subversivité, et même une scène féministe qui m'a bien plu : celle où les deux sœurs s’entraînent à pisser debout !


Donc, oui, c'est un film plein d'audace.


Des critiques de grands quotidiens nationaux ont mis en exergue "la dialectique horrifique dans le cadre ordinaire" ou le coté fiévreux de l'oeuvre, électrisant, "d’un romantisme aussi échevelé et d’une si complète désinhibition". Certains mettent en avant un "épatant talent de mise en scène et de narration qui apporte relief et profondeur à une histoire plus émouvante qu'elle ne paraît. Aucun cadrage, aucune valeur de plan ne sont innocents".


Emily Barnett, des Inrockuptibles, parle d’un film « gonflé, poétique, féroce » qui « incarne la prise de pouvoir d’une nouvelle génération fracassante de réalisatrices.»


Toutes les critiques ne sont pas aussi bonnes, mais le film a tout de même remporté de nombreux prix internationaux , notamment le grand prix du jury et le prix de la critique au festival international du film fantastique de Gérardmer en 2017, ce qui n'est pas rien !


En tout cas, dans un entretien pour les Cahiers du cinéma donné en mars 2017, quand on lui demande si elle rattache Grave au film d'horreur, la réalisatrice répond : "Non, pas du tout. J'ai voulu déranger les gens, […], mais pas leur faire peur. Grave entrecroise la comédie, le drame, le teen movie et la body horror. »


Avant de situer Grave dans une école vétérinaire, Julia Ducournau avait imaginé le faire dans une école de médecine. Elle a toutefois vite repoussé l'idée, la trouvant trop simple.
De plus, la cinéaste n'était pas à l'aise avec l'idée de filmer des cadavres en permanence :
"Je n’aime pas les films glauques. J’espère que mon film ne l’est pas et qu’il dégage un souffle libérateur ", déclare la cinéaste.


Et voilà, y'a que ceux qui font qui en parlent le mieux !

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le 8 janv. 2018

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