Sauvage défi aux liens du sang, l’inquiétante voracité d’une adolescence à vif . Ducournau dissèque les destins croisés du cannibalisme. Un film qui aborde peut être trop de sujets sans bien les articuler si ce n’est à travers la question du « sang » , élément omniprésent. Nous percevons bien les aspects métaphoriques dans ce film qui va intriquer éveil de la sexualité , métamorphose adolescente, question de la féminité ainsi que ce fantasme cannibalique qui renvoie à l’aspect archaïque du sentiment amoureux. Pour en revenir à la question du cannibalisme existe trois interdits fondamentaux l'inceste, le meurtre et le cannibalisme. Sauvage radicalement autre, le cannibale échappe à l’humanité. La seule évocation de l’homme dévorant son semblable suscite l’horreur et la peur panique d’être mangé. De l’angoisse à l’interdit, l’insoutenable devient inconcevable, et le répugnant impensable .Le cannibalisme avant d’être une façon de manger est une façon de penser les relations sociales. Les contes et les mythes, l’équivalence entre l’acte sexuel et l’acte de manger est généralement attestée.
En cela le film Neon Demon de Refn était non seulement novateur mais d’un esthétisme et d’une manière de recréer un autre univers, plus percutant , une manière très "sensorielle" d’articuler la question du narcissisme de notre époque à celle de la pulsion « dévorante » . En revanche la fin du film (un twist) est très forte, particulièrement réussie. D'autant que l'acteur qui joue le père (Laurent Lucas) était ce personnage torturé au propre et au figuré dans l'éprouvant " Calvaire" de Du Welz. Un film sur la solitude et la perte d'humanité dans un monde qui voit s'étioler son lien social....Là encore la question du déterminisme , mais sans lutte cette fois.