C’est l’attitude qu’adopte la société vis à vis de « l’autre » qu’abordent en ce mois de février deux films bien différents dans leur conception : l’américain Green Book et la comédie française Qu’est-ce qu’on a encore fait au Bon Dieu ? Deux visions fondées sur deux principes opposés, le communautarisme et une forme d’apartheid dans l’Amérique des années 60 et le principe d’assimilation égalitaire à la française. Qui débouchent tous deux sur la même démonstration de la proximité avec l’autre, non pas alien mais alter ego autant que soi, de l’inanité de la haine et du rejet.
Au cœur d’un système communautariste étanche et le temps d’une tournée de récitals dans le sud profond, le Deep south de l’ère des Kennedy, Green Book, Oscar du meilleur film pour Peter FARRELLY et du meilleur scénario original, nous présente la cohabitation d’un tandem Blanc-Noir d’autant plus improbable qu’il inverse le cliché traditionnel des rôles au cinéma : le Noir Don Shirley, pianiste virtuose et érudit, bardé de diplômes, veille à se maintenir dans une parfaite maîtrise de lui-même, Mahershala Ali, Oscar du second rôle masculin ; son chauffeur, l’Italo-américain Tony Lip (la Tchatche) Vallelonga raciste, bâfreur, hâbleur, videur de boite de nuit au chômage, occasionnel homme de main, ignore tout de la grande musique et de l’art. Le choc de cultures, de l’esprit et de la force, du respect des règles et de la débrouille, de la musique pour initiés et celle, plus populaire, du jazz et pop’ des Noirs américains.
Leur road movie les conduit à la découverte de la stricte séparation et interdiction de mixité raciales - le Green book est l’équivalent d’un Michelin de l’hôtellerie et restaurants pour seuls Noirs - des vexations et violences subies par Don Shirley, tout un système d’humiliations imposé même au sein de riches familles patriciennes organisatrices des concerts dans leurs vastes demeures coloniales, construites au milieu de plantations exploitées par un prolétariat de tous âges, enfants compris, de journaliers noirs. Parcours initiatique à la découverte de soi, pour Tony la rédemption, le brutal révélateur de la vanité de son racisme ordinaire, fondé sur des préjugés et d’ignorance de l’autre.
En ces temps de chroniques de la haine ordinaire, d’attaques antisémites et racistes, la pédagogie filmique retrouve ici tout son rôle cathartique de révélateur d’une société et de guide vers la sagesse et la tolérance, vers le vivre-ensemble, certes difficile, qui fonde la cohésion d’une communauté citoyenne. Quitte à faire effort sur soi, dans la grande tradition classique : corriger la société en la divertissant.