On ne ressort pas indemne de ce long métrage de Jeremy Saulnier, qui a réellement marqué la Quinzaine des Réalisateurs de part cette violence parfaitement orchestrée qui déstabilise les spectateurs tout au long du film, Green Room. Certains tentaient par tous les moyens de pouvoir sortir de la salle, d’autres se morfondaient dans leurs sièges en se demandant quand cette histoire « vicieuse » s’arrêtera, et certains étaient émerveillés devant cette atmosphère digne d’un thriller de qualité. Cette œuvre n’est assurément pas faîte pour les âmes sensibles, on comprend dès les premières minutes que ce film noir va nous faire vivre un cauchemar cinématographique. Tout est mis en œuvre pour faire délivrer une expérience aux spectateurs, avec plusieurs moments épiques, tels que des concerts dans des pubs remplis de Skinheads néonazis ; des meurtres à foison et des bains de sang à n’en plus compter.
Green Room pourrait être comparé également en termes de registre à Prisoners ou encore au Silence des Agneaux, notamment concernant l’intensité que dégage ce film. Cependant, Saulnier n’a pas encore atteint certainement la maturité ou la maîtrise nécessaire d’un thriller que dispose par exemple, un Denis Villeneuve. Mais, la qualité que l’on peut louer à Jeremy Saulnier c’est sa capacité à ne pas « faire de la violence pour faire de la violence », comme on voit très souvent malheureusement aujourd’hui. Toutes les scènes choquantes et perturbantes à l’écran sont habilement choisies, à l’image du « chien meurtrier » en pleine agonie mais toujours prêt à exercer les ordres. Le réalisateur se distingue aussi de part sa capacité à être imprévisible, au vue des nombreux retournements de situations qui sont rarement téléphonées. A l’image de la fin notamment qui fait prendre une autre dimension au film en s’échappant du contexte initial.
Ce qui est agréable également après avoir visionné de cette œuvre, c’est la capacité des acteurs à prendre une autre dimension au fur et à mesure du film. Puisque à première vue, on découvre des acteurs qui ne sont pas réellement charismatiques. Celle qui sort réellement du lot est Imogen Poots, anodine rescapée du premier meurtre puis véritable héroïne qui porte le film à elle toute seule. Sa neutralité, son sang froid, sa classe naturelle et sa vision de la vie, fait d’elle un personnage que l’on pourrait qualifier de « sublimé » si on la compare aux autres acteurs.
D’autre part le choix de tourner ce film majoritairement est très judicieux et convient parfaitement dans ce type de thriller. On retrouve ainsi une tension naturelle, dans un espace clos où les êtres disparaissent et laissent place à leurs côtés plus lugubres dans des situations aussi précaires. Par moment, ce long métrage fait également penser au Panic Room de David Fincher. Notamment, avec ces innombrables tensions autour d’une porte verrouillée, où d’un côté les innocents sont dans des conditions précaires et de l’autre côté on discerne les « déterminés » prêts à tout pour en découdre et mettre fin au suspens. De ce fait, on pourrait dire que l**e cinéaste américain a totalement compris les codes du Thriller**, en utilisant tout les procédés pour maintenir en haleine les spectateurs.
Cependant, le point négatif de cette œuvre et qui justifie cette notation de seulement 3/5 est son incapacité à aller au-delà de son registre, et tenter d’innover, bien que l’on comprend aisément que ce n’est pas son objectif premier. Le réalisateur réalise une œuvre intéressante dans son registre, en appliquant minutieusement avec de vraies qualités les règles du thriller. Mais, on ressort de cette projection en se disant qu’il y a un air de déjà vu, comme si avec les diverses capacités de ce réalisateur n’avaient pas été totalement exploitées. On pourrait même également reprocher un casting des acteurs « secondaires » un peu léger qui plombe quelques échanges dans des passages cruciaux. Green Room aurait sans doute gagné en efficacité en durant 30 minutes de plus, et en développant quelques scènes comme ce « final de feu » dans tout les sens du terme. Puisque à la fin de cette œuvre, on a véritablement le sentiment que ce réalisateur aurait pu donner encore plus. La note aurait même pu être moins élevée si cette fin atypique n’était pas venue apporter un second souffle à ce thriller qui finit au bout d’un certain moment par être moins prenant.
Ainsi, Jeremy Saulnier au travers de ce troisième long-métrage confirme tout son potentiel entrevu notamment dans Blue Ruin deux ans auparavant. Ce cinéaste doit cependant se remettre en question sur certains éléments, et chercher principalement à apporter une réelle valeur ajoutée aux spectateurs. Puisqu’il est évident que cet américain, dans son registre peut un jour réalisé une œuvre qui rentrera dans les classiques des « thrillers » des années 2000.
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