Sweet home
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Bien sûr, on est habitué, depuis des décennies de flamboyance du cinéma sud-coréen, à des films qui nous mettent régulièrement dans des états pas possibles, mais on ne s’attendait pas forcément à ce que Greenhouse, le premier film de la jeune réalisatrice Lee Sol-Hui, s’avère aussi… dérangeant. Non pas à cause d’excès de violence cette fois, mais bien parce que, plaçant le naufrage de l’âge et de la démence précoce au centre de son récit, elle nous oblige à regarder en face ces destins humains qui basculent dans le désespoir et la misère physique, loin de nos yeux (et de nos cœurs). Et à admettre que le mal-être dont souffrent TOUS les personnages du film est peut-être bien aussi le nôtre.
Moon-jung est une femme « ordinaire », divorcée, qui attend le jour où son fils mineur, détenu pour des délits dont nous ne saurons rien, revienne vivre avec elle. Elle habite dans une installation de fortune à l’intérieur d’une serre, et travaille comme aide-soignante auprès d’un couple de personnes âgées, la femme souffrant de crises de paranoïa et pensant que Moon-jung veut la tuer, alors que le mari est aveugle et manifeste les premiers symptômes d’Alzheimer. Greenhouse nous offre une galerie complète de paumés, d’exclus, de désespérés, du délinquant juvénile à l’infirmière à domicile prenant soin des personnes âgées dans des conditions pas loin du sordide, en passant par l’handicapée légère violée à répétition. Des situations à la fois extrêmes et tristement ordinaires, donnant naissance à un piège diabolique qui va se refermer sur « l’héroïne » du film…
La mise en place de l’histoire s’avère minutieuse et extrêmement précise, ce qui pourra irriter les spectateurs impatients de voir ce (faux) thriller réellement démarrer, mais à partir du moment où un accident entraîne Moon-jung dans une spirale de mensonges et de manipulations, l’atmosphère du film devient littéralement asphyxiante. On déplorera malheureusement une écriture réellement « forcée », qui précipite les protagonistes dans la tragédie en abusant de coïncidences assez grossières et improbables, tout en laissant des trous béants à d’autres endroits (on pense par exemple au personnage de l’amant, dont le rôle aurait été plus convaincant s’il avait été mieux expliqué).
On peut imaginer que cette prépondérance donnée au scénario relève de l’inexpérience d’une jeune réalisatrice, qui aurait certainement pu faire plus confiance à sa mise en scène (maîtrisée et subtile en dépit de sa discrétion), et surtout au talent de ses acteurs, tous impeccables, avec en premier lieu Kim Seo-Hyeong, parfaite d’impénétrabilité ambiguë. Du coup, malgré une relative déception, surtout après un dernier twist qui sonne très forcé, on veut bien faire crédit à Lee Sol-Hui en espérant qu’elle suivra la voie de ses géniaux aînés – dont elle s’inspire clairement ici – que sont Bong Joon Ho (Mother) et Lee Chang-Dong (Burning).
[Critique écrite en 2024]
Créée
le 3 juin 2024
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