Il est devenu compliqué de trouver des idées de cadeaux pour son entourage à l’approche des fêtes de fin d’année, surtout quant ils n’ont pas formulé de liste de souhaits. Alors on passe des heures à éplucher le catalogue d’Amazon, pour faire une sélection de 2 DVD achetés le 3ème offert. On achète le dernier FIFA ou Call of Duty avec un panier garni. Noël a beaucoup perdu en spontanéité. Il fut un temps pas si lointain où il nous fallait encore battre le pavé pour faire le tour des échoppes afin de trouver le coup de cœur, l’objet fétiche qui ferait date et marquerait les esprits… Les enfants de cette génération ne comprendront jamais le plaisir de recevoir une peluche Mogwaï. Les trentenaires savent de exactement de quoi il en retourne, et se souviennent de la peur qu’ils ont ressenti la première fois, lorsque ces créatures se sont mises à sortir de leur cocon congestionné de glaviot verdâtre et purulent.
Le vieil antiquaire avait pourtant été clair : ne jamais exposer l’animal aux rayons UV, ne jamais lui donner d’eau quitte à le laisser crever de soif, et surtout ne jamais… jamais… lui donner à manger après minuit. Une dernière interdiction qui résonne comme un avertissement sur notre propre voracité consumériste, notamment en pleine frénésie dépensière. Mais à quoi bon fixer des règles si personne ne les respecte ? Pourquoi imposer des limites puisque tout le monde se complaît à les dépasser. Et quand on sait que les utilisateurs d’Iphone acceptent n’importe quelle clause commerciale sans jamais lire les conditions générales de vente et d’utilisation, on ne s’étonne plus de voir la dégénérescence de notre société à l’œuvre sur les réseaux sociaux (Tik-Tok, Instagram).
A l’instar des influvoleurs et abrutis congénitaux gavés par les émissions de télé-réalité, les vilains Mogwaï sont des parasites qu’il faut éradiquer. Ces boules de poils n’ont rien d’aimable, sèment le chaos et explosent sous l’effet de la lumière vive comme un vampire en plein soleil sortant d’une cuite carabinée. Quelque part, Gremlins était un film subversif et visionnaire pour l’époque, puisqu’il était moins question de cajoler une petite boule de poils que de la faire se reproduire et profiter de sa capacité protéiforme pour enfanter des congénères. L’idée derrière cette entreprise n’était pas d’apporter du bonheur aux foyers, mais bien de se faire des couilles en or sur le dos d’un immigré chinois, que l’on aurait dépossédé de son «bien» pour une petite poignée de billets verts.
Tous les personnages du film semblent d’ailleurs contaminés par cette fièvre du consumérisme. En atteste les créations daubées du patriarche, se souciant moins du SAV de ses futiles gadgets que de les refourguer aux plus offrants. Même le personnage principal est un guichetier à la solde des banques et du dieu dollar. Et si l’on considère les largesses dont il fait preuve dans l’éducation de son chien détruisant le jardin des voisins, on ne sera pas tellement surpris par la tournure que prendront les événements. La perversité et la violence affichées par les créatures ne font que refléter les comportements de leurs maîtres, n’hésitant pas à les balancer dans un mixeur en marche ou bien au micro-ondes pour s’en débarrasser comme de vulgaires produits de consommation.
Si on écarte néanmoins ses velléités punks et frondeuses, Gremlins prend la forme d’un authentique conte mêlant féerie et conflit entre le désir et l’interdit. Pour s’attirer la sympathie du public, Joe Dante n’hésite pas à invoquer des figures familières comme celle du Scrooge (la voisine rabat-joie) et multiplier les références à Disney et à la pop-culture (la séquence où les petits démons se mettent à chantonner devant Blanche Neige et les Sept nains). Cette hybridation entre la comédie, l’horreur, le gore, et le divertissement familial participera au succès du film, constituant désormais un incontournable des fêtes de fin d’année. En effet, Gremlins aura toujours le don de rhabiller son public pour l’hiver, sans que celui-ci ne se rende vraiment compte de l’objet satirique qu’il constitue.
En cette période de festivités où il convient de se réunir en famille, d'ouvrir les cadeaux et de déguster une bonne pintade fourrée. L’Écran Barge vous propose de déterrer la hache de guerre en pervertissant l'esprit de Noël. Cette sélection de films saisonniers accompagnés de critiques virulentes et acerbes est donc réservés aux viandards, aux bisseux, aux tueurs de masses, aux durs à cuirs, aux frustrés et à tous ceux qui ne croient plus aux bons sentiments et à la paix dans le monde depuis bien trop longtemps.