De Tolstoï à Hollywood ou l’histoire russe fantasmée.

Guerre et paix est une superproduction hollywoodienne signée King Vidor alimentée par un budget de 6 millions de dollars, soit deux fois plus qu’Autant en emporte le vent. Un investissement qui se ressent tout au long du film par ses plans ambitieux, ses costumes splendides et ses décors majestueux. Dès lors, c’est une véritable ambiance dans laquelle le spectateur pénètre et évolue, piégé au sein de l’aristocratie russe sous Alexandre Ier, objectif du roman de Tolstoï. En effet, un point très positif de cette production est la possibilité pour le grand public d’accéder à l’œuvre du romancier russe, qui n’est franchement pas évidente, en seulement trois heures, bien que certains choix aient été faits pour correspondre aux restrictions temporelles. Le très bon casting international vient enjoliver le tout pour proposer une Audrey Hepburn étincelante ou un Henry Fonda inoubliable, même si légèrement trop américain, mobilisés dans une intrigue amoureuse complexe et mythique. La guerre, enjeu évidemment principal de l’œuvre, est plutôt bien représentée lors de fresques brossées par quelques milliers de figurants et plus de 8000 chevaux. Toutefois, hic jacet lepus. En effet, le principal problème de ce film est la réappropriation de l’histoire par Hollywood, qui préfère le sensationnel au détail historique, ce qui fait grincer des dents quiconque possède quelques connaissances de l’époque Napoléonienne. Que ce soit pour les uniformes imprécis, les unités disparates, la caricature de Napoléon jouée par Herbert Lom ou encore la signature du traité de Tilsit au milieu de la cour d’un grand château présenté comme un tableau de Jacques-Louis David de la reddition du plus faible au plus fort, là où ce traité fut signé dans un radeau sur le Niémen en toute discrétion, les inexactitudes historiques viennent entacher la perfection du film et provoquer un certain agacement.
La bande originale signée Nino Rota n’est pas au niveau de ce que celui-ci a pu produire et n’est pas aussi marquante que celle d’un film tel Alamo par Dimitri Tiomkin qui réussit à apporter un vrai bonus au film par sa sonorité tragique et mélancolique.
Finalement, Guerre et Paix est un film splendide dont les trois heures de voyage au cœur de la société aristocratique russe ne se font vraiment pas ressentir et propose un merveilleux rêve dans l’univers de Tolstoï qui concorde avec les ambitions de cette superproduction.

Xernay
7
Écrit par

Créée

le 30 mars 2021

Critique lue 344 fois

6 j'aime

Xernay

Écrit par

Critique lue 344 fois

6

D'autres avis sur Guerre et Paix

Guerre et Paix
Xernay
7

De Tolstoï à Hollywood ou l’histoire russe fantasmée.

Guerre et paix est une superproduction hollywoodienne signée King Vidor alimentée par un budget de 6 millions de dollars, soit deux fois plus qu’Autant en emporte le vent. Un investissement qui se...

le 30 mars 2021

6 j'aime

Guerre et Paix
iori
7

Audrey et le roi Vidor

JO de Sochi obligent, me voici plongée dans des films qui causent du plat pays des poupées russes et de la vodka. Guerre et paix c’est un peu l’aimant et le répulsif réunis en une seule...

Par

le 13 févr. 2014

4 j'aime

Guerre et Paix
JeanG55
7

Guerre et Paix version 1956

Adapter Guerre et Paix au cinéma sans trop trahir le texte et en rendant l'ambiance inimitable des romans de Tolstoï n'est pas une mince affaire. A voir le nombre de scénaristes qui s'y sont collés...

le 22 mars 2020

3 j'aime

2

Du même critique

La 317ème Section
Xernay
10

Willsdorf, vous connaissez ?

La guerre c’est dégueulasse et le génie de Schoendoerffer est de réussir à nous le montrer si admirablement en nous embarquant, caméra à l’épaule, avec le jeune sous-lieutenant Torrens tout juste...

le 10 janv. 2024

5 j'aime

La Pianiste
Xernay
5

"Regardez-moi, je suis froide, tourmentée et dépressive. -C'est tout ? -Oui."

Ce qui est embêtant dans ce film, c’est son manque de subtilité dans la manière d’aborder les sujets qu’il présente. Si son ambition est de suivre une professeur de piano quarantenaire marquée par la...

le 7 août 2024

4 j'aime

Sans peur et sans reproche
Xernay
8

Ses amis l'appellent "La Daube", et ce sont ses amis hein !

A l’heure où des films d’Hollywood bafouent l’honneur de la France à l’image de l’abject Napoléon de Ridley Scott, il est bon de se rappeler qu’il existe de grands films sur l’Histoire de France...

le 11 janv. 2024

4 j'aime

1