Gauthier,jeune documentariste,fait un film sur Guy Jamet,chanteur à succès des sixties encore sur le marché.Il le suit partout,dans sa propriété provençale,en tournée,dans ses prestations télé ou radio et même dans la rue.Ce deuxième long-métrage écrit et réalisé par l'acteur-humoriste Alex Lutz est un film-concept tout-à-fait savoureux.Il reproduit avec une précision maniaque ces reportages sur des artistes fabriqués un peu à l'arrache.Tout y est,le côté impro,les cadrages aléatoires,les raccords douteux,l'image parfois tremblotante,les interviews-confidences face caméra,les spectacles et ce qui les entoure avec les voyages en car,les répétitions,le backstage et les repas joyeux d'après concert,les moments vérité où l'on découvre la vie privée du chanteur,sa passion des chevaux,sa femme,son fils,son ex.Tout a l'air absolument réel,sauf que Jamet n'existe pas,ou du moins pas en tant que tel car il rappelle certains confrères comme Claude François ou François Valéry.Mais les références musicales qui émaillent le film sont authentiques,on parle des Beatles,de John Denver,de Zaz et de beaucoup d'autres.Ce qui fait l'intérêt de cette histoire est l'empathie que suscite le personnage.Usé et désabusé,il combat la vieillesse en s'accrochant à ses passions,la chanson et les canassons,car il en possède plusieurs et les monte,contre les avis médicaux d'ailleurs.Constamment en train de fumer,il raconte sa vie et sa carrière avec une franchise totale,un recul ironique et une élégance discrète,n'hésitant pas à engueuler son filmeur quand il l'emmerde trop.Guy vivote sur son succès passé,son public vieillissant en même temps que lui,et il ressasse ses anciens tubes en trichant sur scène pour tenir le coup.Il chante quelques tons en-dessous,abuse des vibes,se repose à l'occasion sur ses choristes et économise ses mouvements.Tout ce réalisme permet d'adhérer directement au film et on oublie totalement que ce type fascinant est une fiction,d'autant que les musiciens Vincent Blanchard et Romain Greffe ont composé une bande-son époustouflante qui leur a du reste valu le César de la meilleure musique,notamment les chansons,si bien écrites et si bonnes qu'on jurerait qu'il s'agit de vrais hits sixties,impression augmentée lors des délicieux clips d'époque où l'on voit la vedette dans l'éclat de sa jeunesse dans des émissions télé style Carpentier.Un autre qui a eu le César,celui du meilleur acteur,c'est Lutz lui-même,incroyable dans son incarnation du grand âge,félicitons aussi le pool maquillage,avec sa bouche qui se tord volontiers et son élocution parfois pénible,sans oublier quelques difficultés à se déplacer,tout ça disparaissant miraculeusement dès qu'il entre en scène pour quelques heures d'illusion.Le protagoniste étant le sujet et le centre du film,ses partenaires apparaissent peu mais la plupart parviennent cependant à exister car il y a du beau monde ici.Tom Dingler,fils de Cookie et grand copain d'Alex,est le cinéaste en herbe mais on ne l'aperçoit brièvement que vers la fin vu que c'est lui qui tient la caméra.Il y a un arc narratif peu exploité avec lui car s'il a choisi de filmer Jamet c'est parce qu'il croit que c'est son père,c'est du moins ce que prétend sa mère mais on ignore si c'est exact ou si c'est une filiation façon Joker.Pascale Arbillot est l'épouse fofolle,Nicole Calfan l'attachée de presse dévouée,Dani, momifiée et exécrable,l'ex à l'ouest,interprétée dans sa version jeune par une excellente Elodie Bouchez.Dans un des clips on voit également la divine Marina Hands qui chante en duo avec Guy,tandis que surgissent inopinément dans leurs propres rôles Julien Clerc,Michel Drucker et Alessandra Sublet.Brigitte Roüan,pas terrible,est la mère de Gauthier et Bruno Sanches,son inséparable camarade de la série "Catherine et Liliane",joue son fils!Il est inexistant comme toujours.On a aussi l'humoriste pas drôle Nicole Ferroni dans un rôle de chroniqueuse proche de sa réalité,Anne Marivin en animatrice radio,Cécile Rebboah en médecin pas contente,Catherine Hosmalin en mode subliminal et David Salles qui pour une fois en fait trente six mille fois trop en clochard bourré et gueulard.