L'entrée en matière est agréable, court-métrage en noir et blanc scindé en split-screen façon ying et yang pour faire la part belle aux parties démembrées d'un corps en soutane, qui se décompose et se recompose à l'infini avec un jeu de contraste agréable à l'oeil.

A l'intérieur du long, l'humour léger mais fin décuple un intérêt qui va grandissant à mesure que sa Sainteté prend quartier libre. A croire que l'Italie de Berlusconi a besoin de récréations burlesques pour dédramatiser la crise de l'Etat et du Vatican.

La critique de l'Eglise n'est pas balourde et partisane, contre toute attente. Elle sait faire la part des choses entre ce qui relève de l'humain, en ce qu'il contient d'instable, et de ce qui relève de l'Institution, inébranlable ; pour partager l'individu entre ses consciences d'homme publique et d'homme privé. Dans les faits, cela n'a rien de manichéen, et alors qu'on aurait presque peur que le film tourne au soin psychiatrique d'un patient schizophrène en devenir, l'action prend un virage serré pour s'ouvrir à la vie, dans ce qu'elle a de joies les plus simples. Flâner le long des rues, redécouvrir l'isolement, faire des rencontres inattendues... Expérimenter ce que l'homme de foi a perdu en contribuant à son sacrement, pour mieux redéfinir sa place en société et sur la Terre, avant d'achever son existence dans l'allégresse avant le regret.

« Dieu est mort », proclamait le New York Times, allant jusqu'à troubler ses ouailles au point de leur faire craindre d'être élus nouveau Souverain pontif, et batifoler aux jeux de cartes et au volley au lieu de s'atteler au réconfort des fidèles, rassemblés en masse sur le parvis de la basilique.

Le psychothérapeute, qui est aussi le réalisateur, constitue un étrange inquisiteur débarquant de l'extérieur pour prêcher une parole à contre-courant du dogme catholique. Faute de rallier définitivement à sa cause de nouveaux adeptes convertis, il s'intègre peu à peu dans le paysage, comme une pièce rapportée mal intégrée à la foule mais faisant pourtant partie intégrante du lieu. Pis, ce pou sur la soutane orchestre les activités quotidiennes pour tromper l'ennui causé par un pape indécis, et pour réguler la contagion de cette crise de foi.

Un portrait de la foi chrétienne un brin taquin qui sait respecter une tradition et une culture rendue belle et humaniste par la désacralisation qui en est faite, la destituant de son balcon surplombant le monde, pour la rendre plus sympathique à des brebis plus ou moins galeuses qui préfèrent habituellement fréquenter les salles obscures plutôt que les chambres froides et tamisées des innombrables abbesses papales.

La fin dantesque est digne des meilleurs films noirs, qui laisse les champs d'interprétation et d'imagination libres grâce à une place laissée vacante par la plus haute autorité qui pourtant ne saurait se faire Dieu, simple émissaire en proie aux symptômes de la dépression, contenus dans la Bible et récités par un prophète infidèle parfois insolent mais jamais insultant.

En bref, un bon moment qui m'évoque ce qu'aurait pu être Le discours d'un roi, dans une catégorie similaire (grande carrière, grands enjeux, handicaps, thérapie, tout ça tout ça...), s'il avait été plus rondement mené. Ici, pas une seconde d'ennui, que de la distraction pure et dure sans temps morts. Que demander de plus ?
Adrast
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le 28 sept. 2011

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