Trop tenue par un script ultra manichéen, la maestria de Mann ne parvient pas à sauver les meubles

Absolument tenu par l’inintérêt d’un script gonflant comme pas possible, le dernier Mann est un échec qui ne garde que l’habillage formel en trompe l’œil de ce grand auteur du lyrisme désenchanté "so lovely".


Même s’il reste parfois quelques bribes « Manniennes », sa façon d’érotiser les corps, de filmer une ville la nuit, des engins volants et quelques gunfights d’un bien bel acabit, on ressent en permanence la pesanteur de ce scénario abracadabrant et assez inintéressant qui insuffle au film des apparats de blockbuster fade.


La splendeur des images de cet esthète, l’un des derniers grands cinéastes du ressenti et de la sensation électrisante, ne ressort qu’à de rares instants figés, et se perd rapidement dans une sorte d’obligation du recours à un script pompier qui agit comme un cheval de Troie et dénature totalement les velléités de cinéma de l’auteur de Heat. Et ce ne sont pas ces quelques figures de style, du genre filmer le contre-champ d’un clavier d’ordinateur ou embarquer sa caméra dans les chemins de traverse de circuits imprimés qui rehaussent la fadeur de ce script dont Mann semble se désintéresser et qu’il ne parvient quasiment jamais à élever à autre chose qu’un mauvais passage en revue de tous les clichés de son cinéma passé.


La distribution n’est pas en reste dans ce gloubi-boulga indigeste, avec notamment un Chris Hemsworth qui n’a pas son pareil pour exposer ses biscotos afin de faire oublier son jeu limité et un reste de casting, avec notamment des méchants un chouïa caricaturaux que la maestria de Mann ne parvient jamais à élever à autre chose que de simples faire-valoir.


Il n’y a encore pas si longtemps, le sujet n’était absolument pas une problématique prompte à annihiler sa créativité, je repense à l’extraordinaire The Insider dont la dramaturgie de la thématique prenait des airs de grande épopée chevaleresque d’un lyrisme abouti sous son œil de grand ordonnateur du formalisme expressionniste. Il tenait son sujet sans y avoir recours en permanence et parvenait à s’en éloigner pour en faire une mise en abîme dévouée à son histoire mais jamais asservie par elle. Ce coup-ci ce n’est quasiment jamais le cas, et c’est triste car je crains qu’il ait de grosses difficultés à revenir sur le devant de la scène. Car il demeure l'un de mes 3 auteurs favoris, et que son cinéma me manque...

philippequevillart
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le 11 nov. 2019

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