Du cinéma d'épouvante ... au cinéma d'horreur !
En 1978, le Prince des Ténèbres, John Carpenter, offrait au spectateur un monument de l'épouvante: un plan-séquence resté dans les annales, un personnage mutique et sans expression dot le seul langage est la respiration piégée dans un masque blanchâtre. John Carpenter inventait le parfait croquemitaine, ouvrant le film avec un enfant de bonne famille, apparemment sans histoire, qui, un soir d'Halloween, virait fou furieux et tuait par pure curiosité scientifique sa propre et aimable soeur. L'enfant devenait brièvement un adolescent silencieux devant une fenêtre fixée du regard, perdu dans le vague. Puis, un bras et une main comme crochue sur la vitre d'une voiture. Enfin, un être étrange, à peine humain, un silhouette noire masquée de blanc. Le mot "croquemitaine" fermait cette marche funèbre, comme pour signifier la fin d'une tacite mais terrifiante métamorphose.
En 2007, après bon nombre de suites, deux branches narratives entées sur un diptyque initial, c'est le bien nommé Rob Zombie, le rebut du Diable, qui s'y colle. Quid des noces mystiques de La Chose et du Seigneur de Salem ?
La part des anges - si l'on me permet cette expression - c'est le retour du thème musical légendaire de Carpenter à des moments bien sentis. Un thème sans arrêt alterné avec la version monotonement lente de Mr Sandman, déjà elle-même très présente depuis le second opus en 1981. En bonus, Danielle Harris, jadis Jaimie Lloyd, nièce de Michael Myers, cette fois dans le rôle d'une amie de Laurie Strode.
L'alchimie fonctionne en cela que Tyler Mane, ex Dents-de-Sabre du tout premier X-Men, donne une certaine présence au personnage de Michael, tout en lui insufflant humanité dans sa faiblesse et animalité dans ses grognements de bête. Malcolm McDowell, ex Alex d'Orange Mécanique, s'il n'a pas la duplicité et l'humanité d'un Donald Pleasance, tire assez admirablement son épingle du jeu en Dr Loomis revisité. La caméra de Zombie coordonne et juxtapose les plans resserrés, les inserts, toutes les métonymies du cinéma et joue en début de métrage sur l'impact de l'horreur sur le personnage maternelle, ce qui accentue le désespoir et l'angoisse qui s'emparent du spectateur. Riche en intertextualité, s'il délaisse un chouya Psychose, il cumule plusieurs grandes références des films d'horreur des années 30 - de Frankenstein à Dracula en passant par Nosferatu - et une référence au premier volet de la saga Scream.
Néanmoins, tout le reste est magie inopérante ...
Point de métamorphose cette fois pour Michael Myers qui apparaît bien comme un homme et rien qu'un homme. Tout le propos du film est là, qu'annonce d'ailleurs très honnêtement le slogan du film: Remontez aux sources du Mal. Ce que livre Rob Zombie, c'est la biographie d'un tueur, l'étiologie d'un monstre, une Nuit des Masques vue à travers les yeux de Michael Myers, au détriment de ses victimes. Plus d'une demi-heure de film est consacrée à sa lente descente aux enfers de la folie et le crime originel ne surprend plus. Né dans une famille de très basse extraction, plus attardée que celle des Macquart de Zola, victime de son beau-père et de l'un de ses camarades d'école, Myers perd la tête et, après avoir patiemment tué des animaux, s'attaque à l'être humain. Il n'est plus une énigme mais le résultat rousseauiste de la perversion sociale. Délaissé ou raillé par ses proches, livré à lui-même, ce petit garçon dont on ne voit que trop la bouille boudeuse s'associe lui-même au monstre de Frankenstein. Le masque est d'ailleurs revu en ce sens. Monstre fictif, le Croquemitaine de Zombie est un simple psychopathe, tueur en série, que l'on cherche à rationaliser dans le moment même où l'on confesse ne pas pouvoir le faire. Il en résulte un tueur plus violent peut-être mais bien moins effrayant. Plus horrible mais moins épouvantable.
Pourtant il y avait de l'idée, notamment dans la relation entre Michael et le maton campé par Dany Trejo ou dans le désir de retrouvailles avec Laurie. Mais ce genre de pistes intéressantes, permettant l'approfondissement qu'appelle l'aspect biographique est trop peu ou mal développé, souvent stérile. Comme le sont les personnages anecdotiques de Brad Dourif ou pire encore d'Udo Kier. Quant à Scout Taylor-Compton, la nouvelle Laurie Strode, elle brille mais n'éclipse pas Jaimie Lee Curtis. Au point que l'on se surprend à penser que, s'il ne s'agissait pas d'un Halloween, le film aurait pu davantage convaincre.
Mais Rob Zombie privilégie les plaies sanglantes, le gore, et dégoûte plus qu'il ne fait peur. Le massacre absent, c'est le sexe envahissant qui prend le relais; le film semble obsédé du radada et ses héroïnes, moins sages que les premières, se qualifie presque d'entrée de jeu comme "une brochette de chattes fraîches", soit des prostituées qui s'ignorent.
En conclusion, un slasher d'horreur plutôt intéressant et une réécriture originale de La Nuit des Masques plombés par un gore dénué de la subtilité de l'épouvante et une allusion quasi-sempiternelle au sexe vulgaire.