Halloween Ends n'a visiblement pas plu aux fans de la célèbre saga. Normal, on n'inverse pas les codes hollywoodiens d'un tel mythe et on ne s'amuse pas à mélanger les genres. Et c'est pourtant ce qui fait toute la saveur pertinente et créative de ce 13ème et dernier opus en date. Merci Mr. Green.
Quatre années se sont écoulées depuis le précédent massacre commis par Michael Myers à Haddonfield. Laurie Strode semble avoir fait le deuil de sa fille et cesse de se cacher, tentant par tous les moyens de vaincre ses propres traumas afin de montrer l'exemple à Allyson, sa petite-fille perturbée qui se voit indéniablement attirée par l'infréquentable Cory, un jeune homme qui aurait commis un crime atroce…
En l'état, David Gordon Green brouille toutes les pistes, mélangeant allègrement les codes du slasher pour les redistribuer sous forme de nouvelle donne. Ici, Myers n'est plus l'abominable psycho killer qui sévit d'une manière froidement répétitive depuis 1978. Il est désormais la légende urbaine qui a contaminé les habitants d'Haddonfield par la peur, la paranoïa et la haine. De par la complexité des émotions négatives que subissent les citoyens de la petite ville nord-américaine, Laurie n'est nulle autre que l'égale du monstre, la responsable des traumatismes de celles et ceux qui ont survécu aux massacres. L'agresseur et sa victime jetés dans le même sac pour exacerber toujours plus de colère et d'animosité. En parallèle, le personnage de Cory subit tout autant d'aversion de la part des autochtones pour un horrible crime dont il n'est pas foncièrement responsable. Acquitté par une cour de justice, il reste néanmoins le monstre qui a tué un enfant. Bien que leur traumatisme soit différent, un jeu de miroir s'instaure entre Laurie et Cory. Mais la folie engendrée par la perdition se révèle et devient inévitablement meurtrière.
Pour clôturer sa propre trilogie, Green offre le Halloween le plus réaliste de la saga, mais également le plus mâture. Une œuvre qui va non seulement à la totale encontre du schéma d'un genre, mais également à l'encontre du schéma hollywoodien classique. Une telle option ne pouvait évidemment pas plaire à tout le monde.
Série A et série B se mixent donc ici pour créer un 3ème larron aussi indéfinissable que la violente division de notre société actuelle. L'aspect politique déjà brocardé dans Halloween Kills avec sa milice organisée et sa forme d'auto-justice prend ici une ampleur nettement plus pertinente en analysant une perspective psychanalytique déroutante d'êtres traumatisés. On frôlait le quasi chef-d'œuvre si quelques scories scénaristiques ne venaient pas à gâcher les festivités, surtout lors de la "rencontre" Michael/Cory… mais le fond reste essentiel quant à la forme et c'est certainement ce qui a déçu la plupart des spectateurs. Malheureusement.
Les thèmes abordés par Rob Zombie dans le tout autant mal-aimé Halloween II (dont la version director's cut et sa fin alternative augurent néanmoins un immense film) sont ici transcendés par David Gordon Green et son équipe de scénaristes pour offrir un excellent slasher et s'affranchir de la débilité chronique dont certains épisodes s'étaient parés par le passé (au hasard, les Halloween IV, V, VI et VIII). 44 ans après le chef-d'œuvre de Carpenter, Halloween Ends clôt une saga avec profondeur et intelligence. Ce qui fait un bien fou.
Très sincèrement, merci Mr. Green.