Si les personnages de la galaxie allénienne font virevolter notre rétine, c'est qu'ils nous apparaissent comme des astres à la gravitation toujours plus incertaine. C'est ici l'hypocondriaque hyperactif, le mari volage et l'artiste misanthrope qui tourneront en orbite autour de trois sœurs tout aussi ravissantes que subtiles. Ils sont tantôt gauches, parfois lâches, de temps à autre médiocres, mais toujours névrosés, et leurs destins s'entrecroisent au carrefour des échecs et des peurs. Avec la même ingéniosité narrative qui caractérise son œuvre, Woody Allen prend pour point de départ les relations amoureuses dans ce qu'elles ont à la fois de plus banal et complexe, et disserte à l'infini - jusqu'au vertige - sur le sens de la vie et de nos choix. Les sempiternels doutes et questionnements auxquels sont constamment confrontés nos héros nous parviennent par une immersive et non moins ingénieuse voix-off, savamment distillée. Cette intériorité vécue semble bel et bien être la marque de fabrique de ce film, qui brille également par sa façon de poétiser un New York irrésistible à chaque saison, et dont chaque élément architectural ou naturel participe d'une même effervescence - comme c'était déjà le cas dans Manhattan, quelques années auparavant.

A l'instar de nombre des œuvres du réalisateur new-yorkais, Hannah et ses sœurs marie savamment une ironie douce-amère, voire franchement pessimiste, à un humour d'une tendresse infinie. Que Mickey cherche insatiablement à sonder les voies impénétrables de la transcendance entre deux crises d'hypocondrie, qu'Elliott s'égare dans les sinueux méandres des balancements du cœur, qu'Holly accumule les déconvenues existentielles ou que les rivalités fraternelles battent leur plein n'y change rien. La scène finale, profitant d'une Thanksgiving qui sonne l'heure des réconciliations, vient nous rappeler que la vie et l'amour, seules et uniques certitudes, finissent par triompher de tous ces "pourquoi", et finalement de tous ces "peut-être".
Yananas
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Pérégrinations cinématographiques en 2015 et Les films à voir pour un cinéphile en devenir

Créée

le 15 févr. 2015

Critique lue 579 fois

9 j'aime

4 commentaires

Yananas

Écrit par

Critique lue 579 fois

9
4

D'autres avis sur Hannah et ses sœurs

Hannah et ses sœurs
fabtx
8

Je m'attendais au pire, Hannah...

...et finalement je suis ressorti plutôt convaincu! Ce film est la preuve que ce cher Woody n'a pas besoin de fausses bonnes idées type « voyage dans le temps » ou « passage d'un personnage de...

le 6 nov. 2011

26 j'aime

6

Hannah et ses sœurs
JakeElwood
8

I had a great evening; it was like the Nuremberg Trials.

Hannah and Her Sisters est une comédie dramatique (penchant plutôt vers le drame) traitant d’une douzaine de personnages et leurs histoires, toutes connectées aux trois sœurs : Hannah (Mia Farrow),...

le 10 juin 2016

13 j'aime

1

Hannah et ses sœurs
Thomas_Dekker
6

Woody et Diane s'ennuient - vol.1

Suite à la défection de mon ordinateur, seul mon lecteur DVD peut me sauver du désespoir. Ce sera l’occasion de regarder enfin cette série de Woody Allen qui traîne dans ma bibliothèque depuis des...

le 8 févr. 2013

11 j'aime

Du même critique

Vice-versa
Yananas
10

Être ou ne pas être telle est la question sinusoïdale de l'anachorète hypochondriaque

Véritable feu d'artifice visuel, Vice Versa est une œuvre à savourer avec le même entrain qu'une exquise confiserie qui laissera sur notre palet un arrière-goût aussi durable que ne l'est un souvenir...

le 23 juin 2015

25 j'aime

8

La Parole
Yananas
8

Dans la famille Borgen, je voudrais le Christ

Nul autre réalisateur que Dreyer n'a posé avec autant d'acuité et de profondeur la question de la foi, à tel point qu'Ordet eût mérité moins un Lion d'or qu'un Crucifix d'or. Dans ce classique du...

le 8 nov. 2013

20 j'aime

4

Les Frères Karamazov
Yananas
10

Réveiller le Karamazov qui sommeille en nous

Ecrire une critique des Frères Karamazov relève de l'impossible ; se livrer à cet exercice reviendrait à passer pour une sorte de Tartuffe, un coupeur de cheveux en quatre, ou à tout le moins pour un...

le 23 févr. 2014

19 j'aime

8