Je déteste cette volonté d'annihiler le manichéisme comme si c'était mal. Le manichéisme n'est jamais qu'un système d'épuration de la narration : les gentils d'un côté, les méchants de l'autre. Une fiction n'a pas à être réelle. Pourquoi toujours proner des personnages plus réalistes ? Surtout que quand on fait les comptes, on se rend compte que ce soi-disant antiménichéisme ne consiste en fait qu'à montrer qu'un gentil peut être méchant et un méchant gentil. Ce discours me paraît finalement aussi simpliste que le manichéisme. En soi je n'ai d'ailleurs rien contre des personnages non manichéen, c'est juste que je déteste quand on le fait sous le couvert d'être plus profond ou plus réaliste... Un personnage radical n'est pas moins intéressant qu'un autre plus subtil.
Ce qui m'embête avec cet épisode de "Hannibal", c'est que les auteurs tentent un peu de justifier ses actes de barbarie. Revenir aux origines c'est dire : c'est pas sa faute, voyez ce qu'il lui est arrié quand il était petit. C'est ridicule. Autre point regrettable : en dire trop. Ce qui fonctionnait avec ce cannibale dans "Le silence des agneaux", c'est qu'on n'en savait que très peu sur lui. Chaque film est un éclairage supplémentaire sur ce qu'il est... et par la même occasion une tuile de plus ! Parce que Hannibal n'aavit d'intérêt que caché dans sa brume mystérieuse, dévoiler ses secrets, c'est détruire le fantasme que le spectateur s'est créé. Je ne suis pas fan de la série, mais les créateurs ont au moins le mérite de conserver le côté mystérieux du serial killer. Ici par contre, rien ne nous est caché.
C'est pourquoi je préfère considérer ce film comme n'appartenant pas à la saga, mais plutôt en m'attachant aux personnages pour ce qu'ils sont ici à part entière. De même pour l'histoire, je préfère ne pas la rattacher aux autres films, sinon ce serait le condamner...
En soi le scénario se tient donc. Mais difficilement. C'est-à-dire qu'il y a des fautes de rythme comme c'est souvent le cas lorsqu'on s'attache à un biopic. Il y a aussi des facilités narratives nombreuses, des choix de personnages contestables, pas toujours crédibles, et des aller-retours agaçants (une intrigue plus directe aurait mieux fonctionné). A part le tueur, les deux personnages principaux, les autres sont mous, peu creusés. Enfin, je suis déçu par le peu d'inventivité dans les exécutions. L'une ou l'autre feront frémir, mais la plupart du temps c'est assez plat.
La mise en scène est correcte. Ca manque d'un point de vue. Ca manque aussi d'un peu plus de temps afin de créer une tension. Les acteurs sont bons. Enfin surtout les deux têtes d'affiche. Plus particulièrement Ulliel. Bon sang qu'il est flippant avec sa cicatrice. Il campe là un être franchement inquiétant. Dommage tout de même que son pannel d'expressions faciales soit si limité, on a vite fait le tour. C'était peut-être la directive du réalisateur aussi de systématiquement faire la même tronche. J'étais surpris de voir Dominic West là dedans. C'est vrai qu'il choisit souvent mal ses films.
Bref, "Hannibal Lecter : les origines du mal" est un film un peu trop fouilli... un scénario plus épuré et une mise en scène moins pressée auraient permis un traitement plus efficace ; ici, ça manque de tension, d point de vue, d'inventivité... Dommage.