Des « fils de », il y en a partout, même dans le cinéma. Certains se sentiront privilégiés, en se disant que rien que leur nom leur ouvrira des portes. Certains préfèreront utiliser le nom de leur mère, afin de passer bien plus incognito quitte à galérer à se faire connaitre. D’autres enfin se diront qu’ils vont devoir mettre les bouchées doubles et devoir faire leurs preuves. C’est le cas de Louie Gibson, fils de Mel Gibson, qui avec son premier long métrage Happy Hunting choisit de se lancer dans un film de chasse à l’homme. Jusque-là, rien d’original tant le sujet a déjà été traité au cinéma maintes et maintes fois depuis le premier du genre en 1932 (The Most Dangerous Game / Les Chasses du Compte Zaroff), mais il y inclut des éléments de ce qui semble être sa propre histoire ainsi qu’une critique à peine cachée du gouvernement Trump. Le résultat est prometteur mais néanmoins pas complètement convaincant.


Happy Hunting nous présente un ancien alcoolique qui reçoit un appel du Mexique indiquant qu’il faudrait qu’il s’y rende afin de s’occuper d’une enfant qui serait de lui et dont la mère serait décédée. Voilà qui vient un peu changer son train de vie de dealer à la petite semaine afin de se faire de l’argent. Il y voit là une sorte de rédemption et se lance dans le voyage. N’ayant pas d’adresse exacte au Mexique, il fait escale à Bedford Flats, petite ville frontalière de chasseurs dans laquelle un festival de chasse doit avoir lieu, une tradition datant de l’époque des indiens. Il se rend compte rapidement que les habitants sont tous un peu étranges. Lorsqu’il tombe nez à nez avec une statue, façon épouvantail, à son effigie, il commence à se méfier de la population locale, d’autant plus qu’il se retrouve rattrapé par une ancienne histoire de trafic de drogue qui avait mal tourné. Alors qu’il passe la nuit chez de nouveaux amis dont le mari est un ancien alcoolique, il perd connaissance. Lorsqu’il réouvre les yeux, le voilà attaché, avec quatre autres personnes. Il se rend compte que la partie de chasse du festival n’est autre qu’une chasse à l’homme, avec tous les étrangers venus se paumer à Bedford Flats, si possible de mauvaises personnes selon eux.
On présente les « candidats » comme dans un show TV, et le principe du « jeu » est simple : les « proies » sont lâchées dans le désert à la frontière du Mexique en pleine nuit ; dès que la sirène retentit, la partie de chasse est lancée et ils vont commencer à compter les points. Si les proies arrivent jusqu’au Mexique, grand bien pour eux. S’ils sont rattrapés et exécutés avant, ils auront perdu.


Happy Hunting met un certain temps à rentrer dans le vif du sujet. Le début du film est essentiellement centré sur le personnage interprété par l’excellent Martin Dingle Wall (Strangerland, The Nothing Men). On nous le présente sous tous les angles, ses démons (son alcoolisme très poussé), les conséquences de ses démons (la tremblote dès qu’il est en manque), ses envies (de rédemption), … La psychologie de ce personnage y est assez poussée, assez pour qu’on s’attache à lui malgré ce côté très antihéros. Les autres acteurs sont également tous très bons, mais ici, aucune grosse tête d’affiche, pas même d’acteur juste connu. Et pour cause, afin de rendre l’ensemble le plus réaliste possible, les réalisateurs ont décider, afin d’incarner la population de Bedford Flats, d’employer des locaux n’étant pas acteurs. Et ça marche tant on ressent bien ce milieu redneck du Texas profond. Petit budget oblige, cela représente également une économie non négligeable.
Autre gros point fort de Happy Hunting, c’est la mise en scène de Louie Gibson et surtout le travail de son directeur photo (co-réalisateur du film), Joe Dietsch. Visuellement, le film est superbe. C’est soigné, même léché, et donc la photographie est vraiment belle, mettant en valeur des paysages désertiques de toute beauté, à la fois calmes et étouffants, rappelant parfois le Mad Max 2 avec papa Gibson, malgré des plans parfois un peu poseurs mais un rendu final qui en jette. Happy Hunting a d’ailleurs remporté le prix de la meilleure photo au Screamfest de Los Angeles en 2017. Le film se rate par contre au niveau des CGI. Les impacts de balles sur les corps et les giclées de sang qui en découlent sonnent faux. Même topo sur les flammes dans sa dernière scène, mal incrustées, voire même assez dégueulasses.


Comme expliqué plus haut, le genre « chasse à l’homme » n’est pas nouveau au cinéma. Les films sur le sujet sont très nombreux : Running Man (1987), Chasse à l’Homme (1993), Que la Chasse Commence (1994), Apocalypto (2006), La Proie Nue (1966), Immigration Game (2017), et j’en passe. Et afin de se différencier de la masse, Louie Gibson rajoute dans son film une satire de l’administration Trump. Les rednecks de l’Amérique profonde très intolérants envers les étrangers et qui veulent les mettre dehors, le fameux mur à la frontière du Mexique afin que l’exode ne se fasse pas, les moyens de communication très basiques et pourtant très efficaces employés pour convaincre la population du bienfait des actes, … Tout cela renvoie au président des États-Unis que Gibson fils ne semble pas réellement apprécier.
On pourra voir également dans le film un parallèle entre la relation du héros à l’alcool et les problèmes d’alcool du père du réalisateur, Mel Gibson. Parle-t-il ici de de combat face à un père alcoolique ? Parle-t-il du cheminement de son père alcoolique pour s’en sortir ? On ne sait pas réellement, mais le message revient au fur et à mesure que le héros avance à ce niveau-là. Ce message est cité à deux ou trois reprises « L’alcool ne tue pas pendant qu’on boit mais quand on arrête d’en boire ». L’alcool évolue d’ailleurs dans ce sens-là dans le film, où il devient une arme lors du final.
Le problème, outre l’originalité toute relative du sujet de la chasse à l’homme, c’est que le rythme du film n’est pas des plus haletants. Il en devient même assez répétitif, assez prévisible même parfois, et n’arrive jamais à instaurer un vrai suspense. [SPOILER ALERT] Il faut dire qu’à peine au bout de 3 minutes de ladite chasse à l’homme, il ne reste déjà plus que 2 participants. Et elle devient rapidement la chasse d’un seul homme. Et ça perd clairement de son intérêt.


Mise en scène soignée, photographie superbe, casting impeccable, Happy Hunting n’arrive malheureusement pas à tenir le spectateur en haleine au point qu’on en vient au bout d’un moment à se ficher du sort du personnage principal. L’essai n’est qu’à moitié transformé.


Critique originale : ICI

cherycok
6
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le 7 déc. 2018

Critique lue 179 fois

cherycok

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