Warren, toxicomane et alcoolique, apprend qu’il a eu un fils d’une de ses anciennes conquêtes mexicaines. Un deal qui tourne mal le convainc de prendre la route pour le sud de la frontière. En chemin, il fait une halte à Bedford Flats, un village situé en plein désert. Il ne se doute pas qu’il est poursuivi par d’anciens associés... Et par les locaux qui ont gardé une coutume assez particulière : la chasse à l’homme.
Mobile-homes crasseux, patelins délabrés de l’Amérique profonde, personnages qui sont soit des cinglés, soit des épaves (ou les deux !) : pas de doute, on se trouve bien en face d’un film type horreur/western. Ici, on ne forcera pas le trait sur les rednecks consanguins (façon Délivrance), on ne subira pas non plus un déluge d’hémoglobine. Si Happy Hunting montre une horreur, c’est celle de l’addiction et du manque. Warren, notre ami camé, combat autant ses démons intérieurs que les cinglés qui le pourchassent dans le désert. La scène nocturne près du feu, lorsqu’il se prend à un piège à ours, est à ce titre une des plus marquantes du film. Percutante, elle retranscrit la souffrance psychologique autant que la souffrance physique.
Happy Hunting n’est cependant pas un film dépressif, il sait distiller son humour avec subtilité : on est très souvent dans le second degré, lorgnant (sans trop se décider) vers la série B. Guitares distordues en fond sonore, coupures : les effets filmiques utilisés ne sont pas d’une grande nouveauté, mais le film est original sur bien des plans, notamment dans le traitement des personnages, la palme revenant sans aucun doute à Steve. Le film est aussi inhabituel dans son final, pas vraiment un happy end (comme le reste, en fait...). Happy Hunting se paye même le luxe d’être finalement assez inclassable. De l’horreur, il y en a. Du western, on en a un fond. Mais au bout du compte, on se prend d’une certaine affection devant cette misère humaine (alcoolos, désespérés, simplets, déchets humains de l’Amérique profonde qui n’a plus rien pour survivre) au point parfois d’avoir plus l’impression d’être devant un drame social qu’autre chose. Un film qui sait efficacement mêler humour, tristesse et horreur, c’est assez rare pour être souligné. Certains attribueront cette bizarrerie au côté fauché du film, ou à une réalisation peu pressée de donner corps à son produit (il doit y avoir du vrai), mais je pense sincèrement que ce fut délibéré.
Happy Hunting est certainement dénué des qualités qui pourraient lui permettre de se démarquer et de rejoindre les chefs d’œuvre des maîtres comme Argento, il n’a pas cette « aura » et n’a certainement jamais voulu l’avoir. Reste un bon film, bien réalisé, avec des acteurs corrects, qui dépasse la simple horreur par son originalité, offrant au spectateur un divertissement très correct.