Dans son ouvrage L'œuvre d'art à l'époque de sa reproductibilité technique, Walter Benjamin indiquait que le cinéma était l'art de la catastrophe en ce qu'il décrit la crise du passé tout en esquissant le futur inconscient. Étrangement, cet essai traite du cinéma en général et jamais je n'ai regardé un film en réfléchissant activement à cette théorie. Pourtant, en visionnant Harakiri, cela a été pour la première fois le cas.
L'œuvre est construite principalement sur les parallélismes (de lieu, d'autorité, d'âge, de vêtements, etc.). Le réalisateur n'hésite pas à jouer avec la perception et les préjugés du spectateur en le faisant d'abord se positionner du côté du pouvoir féodal avant de le faire au fur et à mesure complètement changer de bord. Sur ce point, Harakiri rappelle l'œuvre du maître Kurosawa, Rashômon, quant à la difficulté de savoir où se trouve la vérité.
Si Kobayashi n'a pas le talent technique et scénaristique d'Akira Kurosawa, au moins a-t-il le mérite de le savoir et de se contenter de réaliser ce qu'il sait faire. Le conte offert au spectateur est donc d'une très grande simplicité mais tout aussi efficace. De la même façon, la photographie est sublime et malgré une faible variété de techniques cinématographiques employées, le grand soin de la réalisation captive le spectateur.
Le sujet principal est annoncé dès le premier plan : le code d'honneur des samouraïs. Le conte se déroule pendant une période post-féodale en temps de paix durant laquelle cette caste n'est plus d'aucune utilité pour la société. La question de l'application rigoriste du code d'honneur des samouraïs se pose donc davantage. Toute l'ambigüité du film repose sur ce point. Si dans la première partie du film, le spectateur peut s'apercevoir clairement de la barbarie de ces pratiques d'une autre ère et de l'obscurantisme de ses gardiens, la seconde moitié de l'œuvre est beaucoup plus sulfureuse. En effet, les défenseurs d'une interprétation littérale des traditions se révèlent n'être que des lâches utilisant le caractère spectaculaire de ces pratiques pour assoir leur pouvoir. A l'inverse, le personnage principal, qui n'est pourtant qu'un rônin, va dans le même temps détruire le mythe des samouraïs (en démantelant l'armure de guerre du clan Li) mais en se donnant lui-même la mort par seppuku, le réhabiliter. Il est donc impossible d'affirmer que ce film est une charge contre cette pratique ou encore une critique du code d'honneur des samouraïs. Tout au plus, sommes nous en présence d'un manifeste contre l'hypocrisie des clans censés représenter les samouraïs.
Si certaines longueurs se font sentir notamment lorsque l'action se déroule en dehors du château du clan Li, la fascination pour l'univers des samouraïs et la très grande beauté formelle de cette œuvre suffit à offrir un très agréable moment de cinéma au spectateur.