Belle prouesse que celle de Daniel Barber d’être parvenu à ce point à mêler les genres, car c’est bien cela qui à mon sens fait la force de cet « Harry Brown ». D’abord dans la logique d’une immersion crue et épurée dans les quartiers déshérités de l’Angleterre, le film parvient à basculer subtilement, et par à-coups, dans des atmosphères totalement surréelles qui subjuguent par leur force d’immersion… voire de perdition. Pour faire le lien, ce personnage de Harry Brown, vétéran implacable caché derrière le papy-tout-le-monde ne peut que nous interpeller et nous faire adhérer à ce mélange des genres tant Michael Caine sait l’incarner avec brio. Ne le cachons pas, la démarche était osée et risquée car la mayonnaise aurait très bien pu ne pas prendre étant donnée la nature du mélange auquel se risque Daniel Barber. Car à ce mélange de genre s’y associe un sujet – la légitimité de la vendetta – qui aurait clairement pu déraper dans un résonnement malsain. Mais bon, si c’est pour reproduire ce qui a déjà été fait avant, à quoi bon aller voir de nouveaux films ? Pour ma part la mayonnaise a pris, le numéro d’équilibriste a tenu, si bien que la façon scabreuse d’aborder ce sujet, aussi bien dans le fond que dans la forme, m’a clairement fait porter un regard neuf sur la situation sociale décrite par ce film. Que les Dardenne en prennent de la graine, car cette « Harry Brown » a clairement démontré une fois de plus que c’est l’art qui ouvre les yeux et non les démonstrations.