--- Bonsoir, voyageur égaré. Te voila arrivé sur une critique un peu particulière: celle-ci s'inscrit dans une étrange série mi-critique, mi-narrative, mi-expérience. Plus précisément, tu es là au dixième épisode de la sixième saison. Si tu veux reprendre la série à sa saison 1, le sommaire est ici :
https://www.senscritique.com/liste/Vampire_s_new_groove/1407163
Et si tu préfère juste le sommaire de la saison en cours, il est là :
https://www.senscritique.com/liste/The_Invisibles/2413896
Et si tu ne veux rien de tout ça, je m'excuse pour les parties narratives de cette critique qui te sembleront bien inutiles...---
Et donc nous y voila. Après pas moins de trois candidatures pour participer au mois-monstre, j’ai enfin casté Harry Potter. Il est pourtant hautement probable qu’il aurait mieux sied sur les mois desquels il a été recalé. Je ne doute pas que ses loups-garous seront très convaincants, et je découvre avec émerveillement quelques mentions aux vampires habilement maniées à chaque tome. Évidemment c’est au mois-sorcières que notre ami à cicatrice aurait été intégré avec le plus d'aisance, mais j’avais brandit ma baguette de mauvaise foi et sa mention « girls only ». Ce qui était très cruelle pour Emma Watson, Maggie Smith et autres Helena Bonham Carter, qui sont non seulement de très talentueuses sorcières à Poudlard, mais également de brillantes comédiennes en général. Non, je n’avais pas vraiment d’excuses valables, si ce n’est un « mais ça aurait pris trop de place et il y a plein d’autres films à voir ! » et surtout un « mais je veux lire les livres avant ! ».
Puis est venu ma subite fascination pour l’homme-invisible, et le moment de lui dédier un octobre. Et un problème : la plupart des navets japonais qui constituaient une bonne partie du répertoire étaient d’une part introuvables pour mes maigres compétences de pirate, et d’autre part absolument pas ragoutants. Un film de série Z de temps en temps pourquoi pas, mais l’une des règles immuables du mois-monstres est de ne pas les en peupler complètement. Donc mon premier argument de l’année dernière ne tenait plus la route. Quant au deuxième, il se trouve que j’ai enfin trouvé le courage de me lancer dans cette périlleuse entreprise qu’est une première lecture des aventures de Harry, Ron et Hermione, malgré mon âge avancé. Forcément j’en repère toutes les failles et faiblesses, dans la narration comme dans la plume, mais l’aventure m’entraîne cependant à chaque fois, et c’est de bonne volonté et avec un certain étonnement que je poursuis mon périple romanesque dans l’école de magie la plus célèbre du monde. Envolée, donc, également, le deuxième argument. Quant à savoir si Harry Potter a bien sa place au mois-homme invisible, je ressortirai ma baguette de mauvaise foi, et je dirai « oui ».
Et me voila donc à l'issue de mon premier doublé, *Harry Potter à l’école des sorciers*, versions manuscrite et pelliculée. Ayant enchaîné les deux, je ne peux m’empêcher la comparaison, et je ne manque pas de m’agacer de tous les raccourcis, surtout quand ceux-ci se font au détriment de l’approfondissement des personnages ou de l’univers (j’aimais bien la première rencontre entre Harry et Drago à la boutique de robes). Cependant, certains autres sont plutôt bien trouvés, et on sent que ceux qui ont lu le roman comme moi dans leur grand âge, en vue d’en faire une adaptation, se sont permis d’écarter les passages les plus fragiles (l’interminable succession de déménagement des Dursley, merci l’art de l’ellipse de ne pas nous l'infliger une seconde fois).
On ressent finalement que l’objectif principal de Columbus en faisant ce film était de vouer la plus grande fidélité possible au roman, et simplement de raccourcir le récit pour qu’il tienne en dessous des deux heures trente. Avec une durée pareille, c’est déjà assez incroyable d’avoir réussi à séduire si largement un public qui avait une moyenne d'âge de douze ans. Mais c'est que ce public cible était, dans un premier temps, les groupies de J. K. Rowling, et il s'agissait j'imagine de ne surtout pas froisser leur passion pour le roman. Saluons d'ailleurs l'habileté au montage d'avoir su gommer le coté « scénettes » que revêt la succession de chapitre d'un roman visant les 9-12 ans. Du reste, certaines scènes, certaines lignes de dialogues sont respectées à la virgule près. D’ailleurs l'adaptation a ôté, mais ne s’est permis de rien ajouter, si ce n’est la brillante idée des escaliers mouvants. Car c’est là la grande force du film, au-delà d’être une adaptation qu’on ne peut juger ni bonne ni mauvaise tant elle est fidèle au récit et à son esprit : une immense réussite dans la mise en images et en sons. Je ne suis pas sure qu’il soit vraiment nécessaire de s’appesantir sur la partition de John Williams, qui continue à jamais d’avoir une emprise enchanteresse sur quiconque ayant entendu parler de Poudlard ne serait-ce qu’une seule fois dans sa vie. Tour à tour envoûtante ou ensorcelante, elle accompagne le récit avec une telle perfection que je me surprenait à la fredonner en lisant l’œuvre de J. K. Rowling, alors que mon visionnage du film datait alors de son année de sortie, c’est à dire 20 ans plus tôt.
Même si les effets spéciaux sont encore un peu fragile en 2001 pour une réalisation de cette envergure, ceux-ci sont palliés par une direction artistique à couper le souffle, et même si aucun sortilège n’y avait été lancé, je n’aurais pas douté une seule seconde que la magie existe dans un univers comme celui-ci. Tout est beau et émerveillant, les décors rivalisent avec les costumes, même le dressage animalier se révèle être un art, notamment lors du ballet de chouettes, tellement plus élégant que la camionnette jaune de nos facteurs…
Quant à l’invisibilité, puisque c’est officiellement la raison pour laquelle je regarde ce film-là à cette date-là, eh bien oui, elle est là, c’est indéniable. Alors certes, l’adaptation ayant été amputée de la la réplique de Dumbeldore « je n’ai pas besoin d’une cape pour être invisible », ma bonne excuse pâlit un peu, mais puisque la cape d’invisibilité est, pour le coup, un effet spécial extrêmement bien exécuté, l’honneur est sauf. J’aime beaucoup l’effet de tissus froissé appliqué à l’image quand celle-ci est supposée être prise de l’intérieur de la cape, par contre je trouve ça un peu débile que Harry ai à sortir sa main de sous la cape dès qu’il veut lancer un sort, ça anéanti un peu tout l’intérêt de l'artefact… J’apprécie aussi que le film ai noyé l’oubli de cape responsable de l’attrapage des trois filous dans les couloirs nocturnes du château. J’avais hurlé à mon livre à quel point ses personnages étaient stupides, au-moins cette fois je n’ai pas eu à insulté ma télé (heureusement, la pauvre se sentait tellement mal depuis *Hollow Man*, je crois qu’elle m’aurait fait une dépression). Quand on a un pouvoir aussi colossale que l’invisibilité, on ne l’oublie pas en haut des escaliers, surtout quand on est en train de fureter là où on n’a pas le droit de le faire.
Je peux continuer d’attribuer des bons points, ce sera dans le thème : +10 points pour le vif d’or, je n’avais jamais trouvé un outil de sport aussi beau ; +20 points pour la partie d’échecs grandeur nature, ça avait déjà de la gueule en version écrite, mais la mise à l’image se défend plus que correctement ; -5 points pour Fluffy qui méritait plus de temps à l’écran, mais qui en a été privé car je soupçonne les effets spéciaux de ne pas avoir été capables de suivre (en même temps je préfère ça qu’un Fluffy tout crado parce qu’on aura voulu faire au dessus de ses moyens) ; mais +50 points au moins pour ce casting, prise de risque absolue puisqu’il est composé à 50 % d’enfants de 10 ans ayant, conséquemment, un CV plus que léger au moment de leur embauche, et qui se révèlent (déjà, et le feront encore plus par la suite) être absolument sidérants de talent. Coté adulte on n’est pas mal non plus, même si le coté clownesque de l’exagération des traits de caractères de chaque personnage rend certainement leur interprétation moins complexe.
J’avais peur. Peur de la lecture, et peur du visionnage. Peur d’être déçue, peur de ne plus voir que le négatif et le grotesque, et de ne pas être capable de déceler la magie d'une œuvre qui est devenu la bannière de toute une génération (la mienne pour comble). Mais malgré mon état d’adulte, et tous mes petits tatillonnages aigris, la plate-forme 9 3/4 s’est ouverte sur mon passage, et m’a laissée embarquer vers un monde de magie, où ni le monstre ni la cinéphile en moi ne se demandait si tout cela pouvait être réel.