Harvey, c'est un lapin géant de plus de deux mètres, invisible aux yeux de presque tous hormis ceux de James Stewart dans ce film qu'on pourrait classer dans la catégorie imaginaire "comédie / feel good movie / ersatz de It's a wonderful life". Soit donc ce personnage aux contours flous pendant une petite heure, gentil, naïf, et flanqué d'un ami imaginaire que tout son entourage semble avoir accepté. On le suit dans son délire, on lui paye des coups, on alimente ainsi son illusion et on profite de sa générosité et de sa naïveté apparente. Mais un jour, c'est la petite goutte de folie qui fait déborder le vase familial, et il est question de le ferme enfermer dans un hôpital psychiatrique...
Le ton plutôt doux de cette comédie a ses petits côtés charmants, peut-être un peu trop gentillet sur les bords. La pilule passera plus ou moins bien, selon l'intérêt que l'on porte pour l'acteur, James Stewart. Loin d'être une référence pour "Donnie Darko" (qui comprenait également un lapin géant et invisible), le lapin en question est tout gentil, n'apporte pas un message d'apocalypse, et a même quelques dons assez pratiques, à utiliser avec parcimonie. Le très bon point du film, c'est qu'après une heure de film où le point de vue est resté extérieur au personnage principal, passée à l'observer avec amusement et distance, Stewart donne sa vision des choses. Il décrit un monde bien différent du nôtre, mais pas si différent, simplement interprété de manière très originale, avec d'autres codes. On réalise alors que plus que d'un malade mental, il s'agit d'un adulte empêtré dans ses rêves et dans son imagination d'enfant. En embarquant dans sa galère le directeur de l'hôpital, "Harvey" aborde le caractère contagieux de ces rêveries, presque nécessaires, cette douce folie qui permet ou peut permettre de réinventer le monde selon ses envies passagères.
Je crois bien qu'on peut avant tout classer ce film dans la catégorie "mignon" et "touchant". À bon entendeur...
[AB #142]