Le handicap au cinéma c’est toujours une affaire compliquée : entre bien-pensance insupportable ou pathos lacrymal, peu de projets parviennent à trouver le bon équilibre.
En choisissant d’aborder le sexe et le handicap par le prisme de la comédie dramatique, Geoffrey Enthoven et son équipe ont donc pris un sacré risque mais il faut croire que les Belges ont un don pour les sujets casse-gueule…
Hasta la vista c’est l’histoire d’un handicapé moteur, d’un paralytique et d’un aveugle qui font valoir un des droits les plus élémentaires : celui de s’envoyer en l’air ! Pour cela, ils affrètent un van à l’insu de leurs familles pour aller perdre leur virginité dans un bordel Espagnol.
Que les amateurs d’humour potache passent leur chemin, car ici on ne rit jamais au détriment du handicap de nos héros mais de situations profondément humaines auxquelles n’importe qui pourra s’identifier.
Le film est assez sidérant dans sa capacité à jongler entre les tons et on passe très facilement du rire aux larmes dans la même scène car si Hasta la vista est souvent très drôle, il n’édulcore absolument rien.
Ainsi, à l’instar d’une scène d’ouverture gentiment érotique, le film parvient à nous faire ressentir à chaque instant la frustration et l’écrasant statut social de ses personnages principaux qui sont marginalisés, infantilisés et déresponsabilisés, y compris par leurs proches.
Néanmoins, malgré cette dimension militante inévitable, Geoffrey Enthoven refuse catégoriquement de victimiser ses protagonistes et apporte un grand soin à la caractérisation de ses protagonistes bien loin d’être des anges. On pense notamment à la relation entre Lars, Philip, Jozef et leur accompagnatrice (très beau personnage également) placée au début sous le signe de la masculinité toxique la plus crasse.
A cet égard, le film est davantage un road-movie où les membres de ce quatuor attachant vont se trouver et le voyage compte davantage que la destination car du bordel on ne verra finalement pas grand-chose.
Hasta la Vista est donc une réussite totale injustement éclipsée par le succès d’Intouchables (les deux films sont sortis à quelques mois d’intervalle) auquel il est supérieur dans tous les domaines : de sa mise en scène discrète mais vecteur de sens avec des compositions de cadre maîtrisées, à son interprétation en passant par son écriture 100 fois plus subtile.